CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt – Procédure devant le Conseil d'Etat - Instruction des pourvois
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En matière fiscale comme dans le droit commun, l'instruction des pourvois devant le Conseil d'Etat présente les trois caractères suivants :
- elle est dirigée par le juge administratif : qu'il s'agisse des communications respectives de la requête à l'administration, ou du recours du ministre au contribuable, ou de toutes communications ultérieures, de la fixation du délai dans lequel il devra y être répondu, l'instruction n'est pas conduite par les parties mais par le juge lui-même ;
- elle est écrite : les prétentions et l'argumentation des parties sont formulées dans des mémoires écrits. Les observations orales présentées par les avocats ne peuvent développer que les moyens figurant déjà dans un mémoire écrit ;
-elle est contradictoire : la communication des pourvois et éventuellement des mémoires permet aux parties de discuter l'argumentation et les prétentions de leur adversaire. Les productions des parties sont également mises à leur disposition respective (cf. BOI-CTX-ADM-30-20-III-B-5).
Remarque : Les règles exposées dans le présent chapitre ne s'appliquent qu'aux pourvois admis à l'issue de la procédure préalable d'admission.
I. Instruction
A. Dispense d'instruction
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Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président de la sous-section qui s'est vu confier l'affaire, peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction (Code de justice administrative (CJA), art. R611-8).
B. Ouverture de l'instruction
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En application des dispositions de l'article R611-20 du CJA le président de la section du contentieux peut préalablement à la répartition des affaires entre les sous-sections, accomplir les actes d'instruction nécessaires à la mise en état des affaires.
Chaque sous-section est chargée de l'instruction des affaires qui lui ont été attribuées. Le rapporteur est désigné pour chaque affaire par le président de la sous-section après accomplissement des mesures d'instruction prévues à l'article R611-27 du CJA.
Par dérogation à ces dispositions, le président de la Section du contentieux peut décider que l'instruction d'une affaire sera confiée à la Section du contentieux. Dans ce cas, il lui appartient de désigner le rapporteur et d'exercer les pouvoirs dévolus par le code de justice administrative à la sous section chargée de l'instruction.
Lorsqu'il décide de renvoyer à une des formations collégiales mentionnées au premier alinéa de l'article L122-1 du CJA, le jugement d'une requête, le président de la section du contentieux accomplit les actes d'instruction nécessaires et désigne le rapporteur ainsi que le rapporteur public, à moins qu'il n'attribue l'affaire à une sous-section.
C. Dénonciation des actes de procédure
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Le pourvoi et, en général, toutes les productions des parties sont déposées au Conseil d'Etat.
Leur communication à la partie adverse est faite sans frais par la voie administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception :
- à l'avocat au Conseil dEtat du requérant (les avocats des parties peuvent également prendre communication des productions de l'instance au secrétariat sans frais) ;
- aux services centraux de la direction générale des finances publiques pour le ministre.
D. Déroulement de l'instruction
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La communication des pourvois, des mémoires en défense et, le cas échéant, des mémoires en réplique ainsi que la fixation des délais dans lesquels les réponses doivent être produites sont ordonnées par les sous-sections (CJA, art. R611-27).
Sauf lorsqu'il est fait application de l'article R611-8 du CJA, la section ou la sous-section fixe le délai dans lequel les mémoires doivent être produits(CJA, art. R611-26).
Les délais sont, en principe :
- de quatre mois pour un mémoire en défense ;
- de deux mois pour un mémoire en réplique.
Lorsque le défendeur ou le ministre, appelé à présenter ses observations, n'a pas observé le délai qui, lors de la communication de la requête ou d'un mémoire ultérieur du requérant, lui a été imparti,le président de la sous-section chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure (CJA, art. R612-3). Si malgré la mise en demeure, aucun mémoire n'a été présenté, il est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant (CJA, art. R612-6).
Cet acquiescement ne porte que sur les faits. Il ne s'étend pas aux moyens de droit présentés par la partie adverse.
Le Conseil d'Etat se prononce alors en considérant les faits comme établis et examine les questions de droit comme si la procédure avait été contradictoire.
Il peut, ainsi, tout en admettant la réalité des faits invoqués par le demandeur, rejeter le pourvoi s'il est, juridiquement, infondé.
E. Clôture de l'instruction
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L'instruction est close soit après que les avocats au Conseil d'Etat ont formulé leurs observations orales, soit, en l'absence d'avocat, après appel de l'affaire à l'audience (CJA, art. R 613-5).
II. Étendue du contrôle du juge de cassation
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Le contrôle du juge de cassation s'exerce, d'abord, sur les erreurs de droit éventuelles commises par les juges du fond dans l'interprétation du ou des textes applicables au litige :
- point de départ de la prescription visée à l'article 238 undecies du code général des impôts (CGI) : CE, arrêt du 28 juin 1991, n°114911 ;
- notion d'installation de magasinage ou de stockage au sens de l'article 22 de l'annexe Il au CGI : CE, arrêt du 5 juillet 1991, n°108826 ;
– appréciation de la régularité de la comptabilité par période en matière de TVA : CE, arrêt du 6 novembre 1991, n°112454 ;
- interprétation du décret du 17 novembre 1982 en ce qu'il concerne le mode de preuve en matière d'invalidité : CE, arrêt du 15 janvier 1992, n°111619 ;
- respect des règles relatives à la dévolution de la charge de la preuve : CE, arrêt du 26 février 2003, n°223092 ;
- légalité d'une condition mise par l'administration à l'octroi d'un agrément : CE, arrêt du 19 mars 2001, n°176693.
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Le juge de cassation contrôle, ensuite, la qualification juridique des faits. Ainsi, il s'assure que le juge du fond, en interprétant les notions juridiques contenues dans le ou les textes, a qualifié exactement les faits de l'espèce qui lui sont soumis :
- circonstances caractérisant une opposition à contrôle fiscal : CE, arrêt du 10 avril 1991, n°107710 ;
- définition du caractère de versement reçus à l'avance en paiement du prix au sens de l'article 38-2 bis du CGI : CE, arrêt du 11 octobre 1991, n°112790 ;
- qualification de perte de revenus donnée à une perte de droits à pension : CE, arrêt du 6 novembre 1991, n°106386 ;
- qualification d'acte anormal de gestion : CE, arrêts du 10 juillet 1992, n°s 110213 et 110214 ;
- qualification de constructions au sens des dispositions de l'article 1381, 1° du CGI relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties : CE, arrêt du 31 décembre 2008, n°307966 ;
- qualification d'entreprise hôtelière pour l'application des dispositions de l'article 261 D, 4°-b du CGI en matière de TVA :CE, arrêt du 5 février 2009, n°307077.
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En revanche, le Conseil d'État, juge de cassation, ne contrôle pas l'appréciation souveraine des faits donnée par les juges du fond :
- recherche de la commune intention des parties au contrat : CE, arrêt du 11 octobre 1991, n°112790 ;
- possibilité pour un invalide de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence : CE, arrêt du 15 janvier 1992, n°111619 ;
- réponse insuffisante ne faisant pas obstacle à l'application de l'article L69 du LPF ; preuve de l'exagération des bases d'imposition notifiées par l'administration : CE, arrêt du 10 juillet 1992, n° 113933 ;
- le caractère délibéré des omissions dans la tenue de la comptabilité du contribuable :CE, arrêt du 3 septembre 2008, n°300998.
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Le juge contrôle également l'exactitude matérielle des faits en examinant les faits tels qu'ils ressortent du dossier soumis au juge du fond statuant en dernier ressort :
- déduction d'amortissements et de frais : CE, arrêt du 11 juillet 1991, n°110268 ;
- existence de la mention des années vérifiées sur l'avis de vérification de comptabilité ; absence de désignation, par une société, des bénéficiaires d'une distribution : CE, arrêt du 6 novembre 1991, n°112453.
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Enfin, le contrôle de cassation de la Haute Assemblée s'étend à la dénaturation des faits par les juges du fond.
Exemple : existence de l'acceptation ou du refus par le contribuable des redressements qui lui ont été notifiés : CE, arrêts du 5 juin 1991, n°106812 et n°106813.