CF - Infractions et pénalités fiscales communes à tous les impôts et relatives à l'assiette - Insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou les actes présentés à la formalité
I. Infractions concernées
L’article 1729 du code général des impôts (CGI) sanctionne deux types de comportements.
A. Insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou les actes présentés à la formalité
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Il s'agit des insuffisances, omissions ou inexactitudes constatées dans les déclarations ou les actes comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt (BOI-CF-INF-10-20-10 au I § 1) qui, lorsqu'elles sont réparées, se traduisent par un supplément d'impôt mis à la charge du contribuable.
Le supplément d’impôt peut ne pas être immédiat : ainsi, par exemple, un manquement délibéré ou un abus de droit se traduisant par une majoration de déficits fiscaux reportables se traduira par un impôt supplémentaire lors du premier exercice bénéficiaire. La majoration correspondante doit néanmoins être notifiée et motivée, même si son application effective est différée. La motivation sera réitérée au titre de l'année dont les revenus ou les résultats, impactés en conséquence de ce manquement délibéré, donneront lieu à une imposition.
Peu importe à cet égard que l'infraction soit relevée sur une déclaration souscrite ou un acte présenté à la formalité dans les délais ou hors délai (il convient de se reporter au III § 30 du BOI-CF-INF-10-20-30 pour les règles à suivre en cas de rehaussements effectués sur une déclaration tardive).
Dans le cadre du régime fiscal des groupes de sociétés prévu aux articles 223 A et suivants du CGI, des rectifications de résultats de sociétés intégrées déficitaires peuvent entraîner, au niveau du résultat d’ensemble, un supplément d’impôt. Dans cette hypothèse, les comportements exclusifs de bonne foi doivent être relevés et motivés au niveau de la société intégrée afin que les pénalités correspondantes puissent être mises à la charge de la société intégrante conformément aux dispositions de l’article 223 A du CGI.
Ces infractions sont constatées soit par la mise en œuvre d'une procédure de rectification, soit à l'occasion du dépôt spontané par le contribuable d'une déclaration ou d'un acte rectificatif.
B. Obtention indue du versement d’une créance de nature fiscale.
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Sont ici visées les situations dans lesquelles le contribuable doit reverser au Trésor une créance de nature fiscale qu’il a indûment obtenue de l'État.
Par créance de nature fiscale, il convient d’entendre toutes les créances sur l'État liées à un impôt comme, par exemple, les crédits d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, la créance née du report en arrière d’un déficit prévue à l’article 220 quinquies du CGI ou, également, les remboursements de crédits de TVA.
II. Majorations applicables
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Les majorations sont applicables aux contribuables dont le caractère délibéré du manquement est établi par l’administration ou qui se sont rendus coupables de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou encore en cas d'application des dispositions de l'article 792 bis du CGI.
Le taux de la majoration des droits est de :
- 40 % en cas de manquement délibéré ou d'abus de droit ;
- 80 % en cas :
- de manœuvres frauduleuses,
- d'abus de droit s'il est établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire,
Remarque : L'article 35 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, applicable aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009, a modifié le b de l'article 1729 du CGI pour introduire une gradation de la majoration applicable en cas d'abus de droit en fonction du rôle tenu par le contribuable contrôlé dans les opérations constitutives de l'abus de droit .Sous l'empire des anciennes dispositions, les rectifications opérées en application de la procédure de répression des abus de droit donnaient lieu automatiquement à l'application d'une majoration de 80 %.
- de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat,
- d'application des dispositions de l'article 792 bis du CGI.
Les majorations s’ajoutent à l’intérêt de retard et sont calculées sur les droits mis à la charge du contribuable ou sur le montant de la créance de nature fiscale dont le reversement lui est demandé.
L’article L. 80 E du LPF prévoit que la décision d'appliquer les majorations prévues à l’article 1729 du CGI est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret, qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités : l’article R. 80 E-1 du LPF prévoit que ce grade est celui d’inspecteur divisionnaire.
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Les majorations prévues par l’article 1729 du CGI ne s’appliquent pas lorsque la majoration de 80 % prévue à l'article 1729-0 A du CGI pour défaut de déclaration de compte, de contrat d'assurance-vie ou de trust à l'étranger est mise en œuvre à raison des mêmes droits. Cette majoration fait l'objet d'un exposé au II § 90 et suivants du BOI-CF-INF-20-10-50.
III. Qualification des infractions
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Les omissions ou inexactitudes que peuvent commettre les contribuables dans leur déclaration sont présumées involontaires. Dès lors, quels que soient les impôts, droits, taxes ou redevances en cause, les majorations prévues par l’article 1729 du CGI ne peuvent être appliquées que si l’administration établit le caractère délibéré de l’omission ou de l’inexactitude.
S’agissant de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, il appartient au service de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment.
De même, il appartient au service d’établir l’existence de manœuvres frauduleuses, d’un abus de droit ou d’une dissimulation de prix, passibles selon le cas de la majoration de 40 % ou 80 %.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État rendue à propos de la mauvaise foi et applicable à l'actuelle dénomination de « manquement délibéré », chaque chef d'insuffisance doit être apprécié séparément.
Remarque : L'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 qui a procédé à une refonte du régime des pénalités fiscales a notamment remplacé l'expression « mauvaise foi » par l'expression « manquement délibéré ». Il s'agit d'une simple modification formelle qui n'emporte aucune conséquence juridique, notamment sur les éléments constitutifs des infractions.
Les situations doivent être appréciées au cas par cas, en considération des circonstances particulières à chaque affaire.
Outre l'appréciation du caractère délibéré du manquement, sont examinés dans la présente sous-section la dissimulation juridique ou abus de droit ainsi que la dissimulation de prix.
A. Appréciation du manquement délibéré
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Le caractère délibéré du manquement résulte de l’ensemble des éléments de fait de nature à établir que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n’ont pu l’être de bonne foi. Il s’apprécie donc en fonction des circonstances propres à chaque affaire.
Dès lors qu’il procède de l’accomplissement conscient d’une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que l’intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements.
Le caractère délibéré du manquement peut également être considéré comme établi, chaque fois que le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait l’objet, à l’encontre du contribuable, d’une décision administrative non contestée par l’intéressé ou ayant acquis l’autorité de la chose jugée.
Ainsi le Conseil d'État a jugé que la bonne foi du redevable ne pouvait être admise dans les situations suivantes :
- le fait, en fin d'exercice, de minorer systématiquement les soldes des comptes clients par la passation d'écritures d'extourne, suivies de contre-passations du même montant au début de l'exercice suivant (CE, arrêt du 5 novembre 2003, n° 247309) ;
- lorsque, d'une part, la globalisation des recettes, l'absence de bordereaux de remise en banque de factures et l'encaissement de recettes sur comptes de tiers constatés au cours du contrôle fiscal avaient notamment pour objet de rendre plus difficile la vérification du chiffre d'affaires de l'intéressé et que, d'autre part, les recettes minorées sont importantes et les infractions sont répétitives (CE, arrêt du 25 avril 2003, n° 234812) ;
- contribuable qui ne pouvait ignorer le caractère imposable de sommes importantes qu’il a omis de mentionner dans ses déclarations (CE, arrêt du 29 juillet 2002, n° 220728) ;
- absence de caractère suivi et probant de la comptabilité et importance des minorations de recettes déclarées (CE, arrêt du 19 mars 2001, n° 197352) ;
- volonté délibérée de la société d’éluder une partie de l’impôt dû par le biais de pratiques comptables défectueuses utilisées pendant quatre ans pour minorer les recettes dans une proportion de 20 à 30 % du chiffre d’affaires déclaré et consistant, notamment, en un enregistrement global en fin de journée de recettes dont aucune pièce comptable ne permettait de justifier le détail (CE, arrêt du 10 décembre 1999, n° 180691) ;
- dirigeant d'une société faisant l’objet de rappels d’impôt sur le revenu en conséquence de la réintégration dans sa base d'imposition à titre de revenus distribués de recettes non déclarées par la société, dès lors que sont constatées des dissimulations répétées de recettes et que l'intéressé a personnellement et délibérément participé à ces dissimulations (CE, arrêt du 27 février 1998, n° 177991).
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En revanche, le Conseil d'État a jugé que le manquement délibéré du redevable n’était pas établi s’agissant d’une entreprise nouvellement créée, que ses dirigeants ont regardée à tort comme une entreprise nouvelle au sens de l'article 44 quater du CGI, par le seul fait que l'un des gérants de la société créée était également chef des ventes de la société préexistante (CE, arrêt du 20 octobre 2004, n° 253089).
Bien que rendues à propos de la majoration pour mauvaise foi, ces décisions juridictionnelles sont transposables mutatis mutandis à la qualification du manquement délibéré prévu par la rédaction de l’article 1729 du CGI issu de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005.
B. Notion fiscale de manœuvres frauduleuses
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Du point de vue fiscal, les manœuvres frauduleuses peuvent être analysées comme consistant dans la mise en œuvre de procédés ayant pour effet soit de faire disparaître ou de réduire la matière imposable, soit d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés, lorsque ces procédés ne peuvent être considérés comme des erreurs excusables ou des omissions involontaires, mais sont, au contraire, le résultat d'actes conscients et volontaires destinés à donner l'apparence de la sincérité à des déclarations en réalité inexactes de leurs auteurs et impliquant l'intention d'éluder tout ou partie de l'impôt.
La notion de manœuvres frauduleuses recouvre donc deux séries d'éléments :
- un manquement délibéré : des éléments intentionnels qui sont à la base de toute infraction fiscale commise de façon délibérée et qui consistent dans l'accomplissement conscient de cette infraction ;
- auquel s’ajoute la mise en œuvre de procédés destinés à masquer l'existence de l'infraction ou à la présenter sous la forme d'une opération parfaitement régulière en créant une situation de nature à égarer le service ou à restreindre le pouvoir de contrôle et de vérification de l'administration.
La découverte par le service de tels éléments matériels suffit en règle générale à prouver l'existence des éléments intentionnels tant il est évident que la présence des premiers postule l'accomplissement conscient et volontaire des infractions.
A titre indicatif -cette liste n’étant pas limitative-, les situations suivantes sont caractéristiques de manœuvres frauduleuses :
- dissimulation systématique d’achats et de ventes, appuyée sur une comptabilité imprécise et fallacieuse (CE, arrêt du 24 septembre 2003, n° 237990) ;
- existence de factures d’achats fictives délivrées par une société, dont le contribuable était le président directeur général, à l’entreprise exploitée par celui-ci en location-gérance, portant sur des matériels déjà cédés par une autre société que dirigeait le même contribuable (CE, arrêt du 15 décembre 1993, n°84181) ;
- fait de se faire rémunérer des ventes en espèces en faisant appel à des prête-noms délivrant des quittances de complaisance moyennant commission et de dissimuler le stock dans une cache aménagée dans un coffre-fort (CE, arrêt du 22 janvier 1992, n° 46678) ;
- recours à une société-écran permettant à ses dirigeants de fait notamment de faire passer les dépenses de leur train de vie pour des charges sociales déductibles (CE, arrêt du 15 avril 1991, n° 63885) ;
- inscription en comptabilité de prélèvements fictifs, de grande importance (CE, arrêt du 2 avril 1990, n° 41626) ;
- transfert de capitaux par montage fictif (CE, arrêt du 2 février 1987, n° 62352) ;
- non-comptabilisation des recettes et falsification de pièces justificatives de ces recettes, même s'il est établi qu'elles ont été partiellement le fait du comptable de la société (CE, arrêt du 24 février 1986, n° 50433) ;
- le fait, pour une entreprise, de s'abstenir d'inscrire en comptabilité une part importante de ses achats et de les faire régler, au moyen de mandats-poste, par son gérant, lequel encaissait par ailleurs sur un compte personnel les recettes sociales (CE, arrêt du 4 février 1985, n° 39600) ;
- exercice occulte d'une activité commerciale sous le couvert d'une société étrangère n'ayant aucune activité en France (CE, arrêt du 24 novembre 1982, n° 17946) ;
- demande faite aux clients de verser les honoraires dus à des tiers qui les reversent en espèces au véritable bénéficiaire après prélèvement d'un pourcentage (CE, arrêt du 20 octobre 1982, n° 24433) ;
- omission de déclarer des opérations taxables non inscrites en comptabilité mais retracées dans des cahiers formant une comptabilité occulte (CE, arrêt du 9 novembre 1981, n° 19500) ;
-dissimulation de recettes taxables encaissées sur des comptes privés avec une comptabilité portant des mentions fictives ou falsifiées (CE, arrêt du 6 mars 1981, n° 20018 et n° 20376) ;
- participation d'un contribuable à l'émission de factures rédigées au nom d'un organisme inexistant dont ce contribuable a conservé personnellement le règlement sans faire figurer les sommes correspondantes dans ses déclarations (CE, arrêt du 2 mars 1979, n° 05712).
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En revanche, ne suffisent pas à caractériser des manœuvres frauduleuses :
- le seul fait d'avoir volontairement, soit omis de souscrire une déclaration, soit minoré les bases d'imposition, en l'absence de tout acte, opération ou artifice destiné à égarer ou restreindre le pouvoir de vérification de l'Administration (Cass. Com., arrêt du 8 octobre 1985, n° 83-17 055 ; décision rendue en matière de taxe sur les véhicules des sociétés) ;
- l'inscription en comptabilité d'honoraires hors taxes au lieu de toutes taxes comprises (CE, arrêt du 19 janvier 1983, n° 16640) ;
- le fait de constituer une SCI entre associés appartenant à la même famille, l'acquisition d'une villa utilisée par l'un d'entre eux comme résidence secondaire et la déduction des déficits fonciers y afférents dès lors que cette situation peut être aisément qualifiée par la loi fiscale (CE, arrêt du 7 juillet 1982, n° 30975) ;
- le fait de déduire une taxe (TVA) en prétendant l'avoir supportée (CE, arrêt du 24 avril 1981, n° 16349) ; dans ce même arrêt, le Conseil d'État a précisé que le juge de l'impôt doit, dans un tel cas, substituer à la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses la majoration de 40 % pour manquement délibéré (anciennement « mauvaise foi ») ;
- les négligences et anomalies constatées dans une comptabilité qui dégage des bases d'impositions minorées (CE, arrêt du 3 avril 1981, n° 19963) ;
- la souscription systématique de déclarations minorées lorsque la comptabilité est tenue régulièrement (CE, arrêt du 19 décembre 1979, n° 13072) ;
- la condamnation pour fraude fiscale intervenue antérieurement. Celle-ci ne justifie pas, à elle seule, l'application a posteriori des majorations pour manœuvres frauduleuses (CE, arrêt du 26 juillet 1978, n° 07132).
C. Dissimulation juridique ou abus de droit
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En application du b de l'article 1729 du CGI, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du LPF ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.
Deux taux sont susceptibles de s'appliquer :
- 40 % dès lors qu'il y a abus de droit ;
- 80 % si le service établit que le contribuable est l'instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l'abus de droit.
L'application de la majoration de 80 % nécessite donc une démonstration et une motivation étayées dans la proposition de rectification. Cette démonstration pourra être étayée par tous moyens, notamment par référence à des pièces saisies suite à une opération de visite et de saisie ou par référence aux fonctions et au rôle du ou des intéressés dans l'opération en cause.
A défaut de cette démonstration, seule la majoration de 40 % est applicable.
Sur la notion de « bénéficiaire principal », dans tous les cas où le contribuable contrôlé est l'unique bénéficiaire de l'acte ou des actes écartés, le rehaussement de la majoration pour abus de droit de 40 à 80 % ne pose pas de difficulté.
En cas de pluralité de bénéficiaires, la notion de bénéficiaire « principal » ou d'instigateur « principal » repose sur une appréciation qualitative des faits et a vocation à s'appliquer à tous les contribuables qui ont pris une part active dans le montage considéré comme abusif par l'administration.
A l'inverse, le taux de pénalité de 40 % s'applique lorsque le contribuable s'est montré « passif » c'est-à-dire n'a pas initié le montage critiqué ou en a retiré un avantage de moindre importance que celui perçu par les autres personnes impliquées.
Dans les situations où plusieurs personnes bénéficient des opérations abusives, l'appréciation du caractère principal du bénéficiaire d'un acte ne se limite pas au seul critère mathématique.
Face à deux associés, l'un détenant 50 % plus un des titres d'une société et son co-associé le solde, l'application de la majoration au premier des deux associés conduirait à une situation tout à fait inéquitable que n'a pu souhaiter le législateur.
Ont ainsi été considérés comme les principaux bénéficiaires et les principaux instigateurs tous les participants à une opération abusive au sens de l'article L. 64 du LPF bien que chacun soit actionnaire minoritaire dès lors que la mise en place de la filiale litigieuse ne trouve sa raison d'être que dans la participation de plusieurs associés minoritaires (CE, arrêt du 27 juillet 2009, n° 295358, Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel).
Le dispositif du b de l'article 1729 du CGI a pour vocation d'écarter les associés très minoritaires d'une société qui ne sont en fait que des associés passifs et qui ne disposent pas d'information particulière ni de pouvoir de décision au sein de la société. Ce dispositif permet d'appliquer la sanction au taux de 40 % dès lors que certains bénéficiaires de l'opération critiquée n'en retirent qu'un avantage fiscal minime attestant ainsi de l'absence d'intentionnalité dans la manœuvre constatée.
Bien entendu, si le ou les bénéficiaire(s) « secondaire(s) » de l'opération litigieuse sont à l'initiative du montage critiqué et sous réserve que l'administration en fasse la démonstration dans la proposition de rectification qui leur est adressée, les droits sont assortis de la majoration de 80 %.
La majoration est applicable, quelle que soit la nature des impôts en cause, dans tous les cas où les cotisations réclamées aux contribuables ou établies à leur nom résultent d'une rectification motivée par un abus de droit.
À cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les cotisations en cause ont été, ou non, établies ou réclamées, après avis du comité dont la consultation facultative est prévue par l'article L. 64 du LPF, ou même contrairement à l'avis de ce comité.
Cas particulier.
Lorsqu'une donation déguisée sous l'apparence d'une vente fait simultanément (c'est-à-dire par des propositions de rectifications notifiées à la même date) l'objet d'un rehaussement pour insuffisance de prix, il sera procédé selon les modalités suivantes.
Il découle de l'article 666 du CGI et de l'article 761 du CGI que les droits de donation sont assis, non sur le prix exprimé, mais sur la valeur réelle du bien.
En conséquence, l'assiette de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du CGI est constituée par les droits de donation liquidés sur la valeur vénale réelle du bien et non sur le prix exprimé dans l'acte.
Cela étant, il est désormais admis, lorsque le rehaussement de la valeur réelle a précédé la mise en œuvre de la procédure de l'abus de droit fiscal, que l'assiette de la majoration de 80 % soit limitée aux droits de donation liquidés sur le prix mentionné dans l'acte.
Par ailleurs, l'intérêt de retard et la majoration de 80 % exigibles du chef de la dissimulation doivent être calculés après déduction non seulement du montant des droits de mutation à titre onéreux perçus sur l'acte de vente mais aussi du montant des droits de même nature et des pénalités effectivement payés au titre des insuffisances de prix relevées antérieurement.
Remarques :
En ce qui concerne la procédure de l'abus de droit fiscal, il convient de se reporter au BOI-CF-IOR-30.
En ce qui concerne la solidarité de paiement prévue au 1 du V de l'article 1754 du CGI, il convient de se reporter au II-A-1 § 90 du BOI-CF-INF-30-30.
Les dispositions du b de l'article 1729 du CGI s'appliquent conformément à l'article L. 284 du LPF aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009 sans faire obstacle, le cas échéant, à l'application rétroactive des dispositions du b de l'article 1729 du CGI à des agissements commis avant cette date, en vertu de l'application rétroactive de la loi pénale la plus douce (déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, art. 8).
D. Dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat
1. Notion de dissimulation de prix
a. Définition
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La dissimulation de prix est une fraude qui consiste soit à minorer volontairement dans les contrats présentés à la formalité les prix (prix principal ou charges) ou les soultes exprimées par rapport aux sommes réellement convenues, soit à passer sous silence, dans les énonciations de l'acte, une stipulation qui constitue par sa nature un des éléments du prix. Elle s’applique tant aux meubles (dont les fonds de commerce) qu’aux immeubles.
Cette intention de fraude distingue la dissimulation de l'insuffisance de prix. Il y a seulement insuffisance quand le prix énoncé dans l'acte est inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis tout en étant celui qui résulte des conventions des parties (LPF, art. L17).
De cette distinction, il y a lieu de tirer les conséquences suivantes :
- les deux types de rectifications sont juridiquement indépendants l'un de l'autre, quoique non exclusifs ; en particulier, le service n'a pas, en vue de démontrer une dissimulation de prix, à établir préalablement une insuffisance ;
- les règles spécifiques à chacune de ces procédures (telles que méthode d'évaluation par comparaison et expertise, en matière d'insuffisance) ne sont pas applicables à l'autre (en l'occurrence, au rehaussement pour dissimulation).
Ainsi il a été jugé :
- que les règles relatives à l'établissement d'une insuffisance du prix déclaré ne sont pas applicables pour prouver la dissimulation d'une partie du prix payé (Cass. Com., arrêt du 1er juin 1993, n° 91-10 639) ;
- qu'en matière de dissimulation de prix, les moyens invoqués par le redevable, tirés :
- de l'absence de recours à la méthode d'évaluation par comparaison,
- et du refus de faire droit à sa demande d'expertise fondée sur l'article R*. 202-3 du LPF, sont inopérants dès lors que ces règles ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de rehaussement pour insuffisance de prix (Cass. Com., arrêt du 6 avril 1993, n° 91-11 720).
b. Application
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Cette définition doctrinale est complétée et illustrée par les jugements et arrêts rendus par les cours et tribunaux statuant sur l'existence d'une dissimulation.
Ainsi, il a été jugé que constitue une dissimulation de prix, la prise en charge par le cessionnaire :
- d'une commission d'intermédiaire payée en l'acquit du vendeur par les acquéreurs d'un immeuble, ladite commission n'ayant pas été mentionnée dans l'acte de vente (Tribunal civil de Bazas, jugement du 17 mai 1921, n° RE 7314) ;
- d'une indemnité de résiliation d'un bail, l'indemnité, considérée comme une charge de la vente, ne figurant pas dans l'acte de vente (CA de Rennes, arrêt du 14 février 1951, n° Ind. 7479 ; Tribunal civil de Cherbourg, jugement du 18 novembre 1885, n° JE 22561).
De même, la dissimulation de prix ou partie du prix a notamment été reconnue par les tribunaux dans le cas suivants :
- cession de parts de société civile immobilière pour un prix porté dans les actes notariés inférieur à celui inscrit au compte courant du cessionnaire dans la comptabilité de la société (TGI de Toulouse, jugement du 24 avril 1968, n° Ind. 11540) ;
- cessions successives de divers éléments d'un fonds de commerce, dont certaines font l'objet d'un acte séparé tenu secret, lorsque ces cessions constituent en fait et dans l'intention des parties une seule et même opération ayant pour objet la vente de tous les éléments corporels et incorporels dudit fonds (Cass. Req., arrêt du 19 avril 1937, n° Ind. 3802).
Enfin, il a été jugé que la prescription du droit de reprise est la prescription de longue durée prévue à l’article L. 186 du LPF lorsque le juge relève que rien dans l’acte de vente ne permettait de révéler la dissimulation de prix, de sorte que les agents de l’administration ont été obligés de procéder à des rapprochements avec des documents ultérieurs pour déterminer cette dissimulation, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération la date à laquelle ces documents ultérieurs étaient parvenus à la connaissance de l’administration ; par ailleurs, c’est hors toute dénaturation et sans inverser la charge de la preuve que le juge retient l’existence de la dissimulation de prix alléguée, lorsqu’il apprécie les éléments de preuve dont il dispose pour avoir été mis dans le débat (Cass. Com., arrêt du 7 mars 1995, n° 93-12324).
L'intention frauduleuse doit être établie, sinon il y a seulement mutation secrète de certains éléments du fonds et non dissimulation de prix.
2. Preuve de la dissimulation de prix
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Il appartient à l'administration d'établir l'existence de la dissimulation par tous les modes de preuve compatibles avec la procédure écrite (LPF, art. R*. 195-1).
Lorsque des poursuites pénales sont engagées, l'infraction peut être établie par tout moyen, la valeur et la portée des moyens de preuve étant appréciées souverainement par le juge.
Ainsi, il a été jugé que, pour faire la preuve d'une dissimulation de prix, l'administration a le droit d'invoquer des faits et des actes auxquels le redevable poursuivi est demeuré étranger, dès lors que le tribunal y trouve des indices suffisamment nombreux et sérieux pour faire naître des présomptions déterminantes de la dissimulation (Cass. civ., arrêt du 23 décembre 1953 ; BOED 6759).
De même, la jurisprudence précise :
- que l'existence d'une dissimulation de prix peut être démontrée à partir de déclarations faites par le redevable dans une autre procédure devant un officier de police judiciaire. Ainsi, dès lors qu'un tribunal a constaté que les propos tenus par le redevable devant un officier de police judiciaire se rapportaient sans équivoque et de manière formelle à une dissimulation de prix et que cette déclaration, provoquée dans le cadre d'un interrogatoire de police, a été librement consentie, le jugement rendu par ce tribunal n'encourt aucune critique au regard de l'article 1354 du code civil (Cass. Com., arrêt du 15 février 1994, n° 92-10709) ;
- que l’existence d’une dissimulation de prix peut résulter du constat par le juge que le vendeur avait admis avoir reçu une somme incluant le supplément de prix, même si l’acte secret n’a pas d’existence matérielle (Cass. Civ., arrêt du 5 mars 1997, n° 95-14838) ;
- que la saisie de documents indiquant avec précision les sommes effectivement déclarées à l'acte, ainsi que les modalités de paiement des soultes représentant la différence entre le prix payé et le prix déclaré, documents comportant des indications nombreuses, précises et concordantes sur la nature, les modalités et l'étendue de la dissimulation et corroborés par les déclarations concordantes des parties à l'acte devant des officiers de police judiciaire devaient être accueillis comme preuve de la dissimulation (Bourg-en-Bresse, jugement du 13 janvier 1969, n° Ind. 12086) ;
- que l'aveu de la dissimulation de prix, formel et non équivoque, fait par l'une des parties à un acte de vente à un officier de police judiciaire qui l'a consigné dans un procès-verbal d'audition est suffisant pour établir la dissimulation dès lors que cet aveu extra-judiciaire n'a pas été révoqué pour erreur de fait (Cusset, jugement du 31 janvier 1962, n° Ind. 10715).