Date de début de publication du BOI : 04/10/2017
Identifiant juridique : BOI-REC-EVTS-10-40

REC - Action en recouvrement - Procédures amiables et procédures collectives de règlement du passif - Responsabilités et sanctions prévues en matière de procédures collectives

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L'existence d'une procédure collective à l'encontre d'une entreprise ne fait pas nécessairement obstacle à une sanction à l'égard de ses dirigeants.

En premier lieu, l'existence d'une procédure collective judiciaire n'est pas incompatible avec une condamnation civile telle que la mise en cause du dirigeant sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales (LPF), procédure détaillée au BOI-REC-SOLID-10-10, ou avec une condamnation pénale (fraude fiscale, opposition à fonctions et à l'exercice du contrôle fiscal ou escroquerie en matière de TVA) du dirigeant ou de l'entrepreneur (BOI-REC-SOLID-10-20).

Ensuite, outre la reprise des poursuites à l'issue d'une procédure de liquidation judiciaire, possible dans certains cas énumérés au BOI-REC-EVTS-10-20-30-10 au V § 430 à 470, le livre VI du code de commerce, traitant « des difficultés des entreprises », présente sous le titre V « des responsabilités et des sanctions », à l'article L. 650-1 du code de commerce (C. com.) et aux articles suivants trois chapitres relatifs à :

- la responsabilité pour insuffisance d'actif  (C. com., art. L. 651-1, L. 651-2, L. 651-3 et L. 651-4) ;

- la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction (C. com., art. L. 653-1 à L. 653-11) ;

- la banqueroute et aux autres infractions (C. com., art. L. 654-1 à L. 654-7).

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Par ailleurs, l'article L. 650-1 du C.com prévoit que « lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

I. La responsabilité pour insuffisance d'actif

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Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale révèle une insuffisance d'actif et si celle-ci est au moins partiellement imputable à une faute de gestion, le tribunal peut faire supporter tout ou partie des dettes sociales par les dirigeants, de droit ou de fait, convaincus d'avoir contribué à cette faute.

30

Cette responsabilité pour insuffisance d'actif, expressément évoquée à l'article L. 651-2 du C.com, est notamment applicable :

- aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective ;

- aux personnes physiques représentant à titre permanent ces dirigeants de personne morale, ainsi qu'aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée ;

- à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui dispose d'un patrimoine affecté à l'activité professionnelle ayant été mise en liquidation judiciaire. En effet, le tribunal peut condamner cet entrepreneur à compenser personnellement tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

40

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire (C.com. art. L. 651-2).

50

Les sommes ainsi versées par le dirigeant de la personne morale de droit privé ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont alors intégrées au « patrimoine » (l'actif) de l'entreprise placée en liquidation judiciaire.

Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers.

Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.

60

Le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public.

Dans l'intérêt collectif des créanciers, le tribunal peut également être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur n'a pas engagé cette action, après une mise en demeure restée sans suite pendant deux mois.

Les dépens et frais irrépétibles auxquels a été condamné le dirigeant ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.

Le président du tribunal peut, d'office ou à la demande du liquidateur ou du ministère public, charger le juge-commissaire d'obtenir communication « de tout document ou information » relatif à la situation patrimoniale des dirigeants et représentants permanents de dirigeants de personnes morales impliqués. Dans l'intérêt collectif des créanciers, le tribunal peut également être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur n'a pas engagé cette action, après une mise en demeure restée infructueuse pendant deux mois.

A défaut de juge-commissaire, ce droit de communication est confié à un membre de la juridiction désigné par le président ; les renseignements pouvant être ainsi obtenus ont été étendus aux revenus et au patrimoine non affecté des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée. Les administrations et organismes publics, les organismes de prévoyance et de sécurité sociale et les institutions financières telles que les établissements bancaires et de crédit ne peuvent alors opposer leur obligation de secret professionnel.

70

Le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens des dirigeants ainsi mis en cause (C.com. art. L. 651-4).

80

Les dispositions relatives aux mesures conservatoires et au droit de communication de l'article L. 651-4 du C.com sont également applicables aux personnes membres ou associées de la personne morale en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsqu'elles sont responsables indéfiniment et solidairement de ses dettes.

II. La faillite personnelle et les autres interdictions

90

Le comportement de certains dirigeants nécessite leur éloignement temporaire des affaires. Ce type de sanctions n'est applicable qu'en cas de redressement ou liquidation judiciaire (C. com., art. L. 653-1).

Ces actions « se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure ».

100

Sont susceptibles d'être condamnées :

1° les « personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, [les] agriculteurs et [...] toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » ;

2° les « personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales » ;

3° les « personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2° ».

110

En revanche, ces « dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires ».

120

En assemblée générale, le droit de vote des dirigeants frappés de faillite personnelle ou de l'interdiction de gérer est exercé durant la procédure collective par un mandataire ad hoc désigné par le tribunal.

130

Le tribunal peut enjoindre à ces dirigeants, ou à certains d'entre eux, de céder leurs actions ou parts sociales dans la personne morale ou ordonner leur cession forcée par les soins d'un mandataire de justice, après expertise, si cette dernière s'avère nécessaire (titres non cotés, nécessité d'une estimation de la valeur d'actif net, etc.). Le produit de la vente est affecté au paiement de la part des dettes sociales, dans le cas où ces dettes ont été mises à la charge des dirigeants.

140

Lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 du C. com, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans (C. com., art. L. 653-11).

A. La faillite personnelle

150

L'article L. 653-2 du C. com énonce que « la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale ».

La liste des comportements susceptibles d'être sanctionnés par le prononcé d'une faillite personnelle est déterminée par les articles L. 653-3, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-6 du C. com.

Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut également prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité s'étend sur une durée égale à celle de la faillite personnelle, dans la limite de cinq ans.

B. L'interdiction de gérer

160

Parmi les diverses sanctions l'interdiction de gérer est prévue par l'article L. 653-8 du C. com. Elle est susceptible de sanctionner les mêmes comportements que ceux pouvant entraîner la faillite personnelle.

Cette interdiction peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 du C. com qui :

- « de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 du C. com, dans le mois suivant le jugement d'ouverture » ;

- « a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ».

III. Les infractions pénales

A. Le délit de banqueroute

165

Le délit de banqueroute fait l'objet de développements spécifiquement codifiés de l'article L. 654-1 à l'article L. 654-7 du C.com.

1. Les auteurs possibles du délit de banqueroute

170

Selon l'article L. 654-1 du C.com, sont susceptibles d'être poursuivies en tant qu'auteurs du délit de banqueroute :

1° les personnes exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole et toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

2° les personnes qui ont directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou liquidé une personne morale de droit privé ;

3° les personnes physiques représentant à titre permanent une personne morale ou dirigeantes d'une personne morale telle que définie au 2° ci-dessus.

2. Les éléments constitutifs du délit

180

Le délit de banqueroute suppose l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire (C. com., art. L. 654-2).

L'auteur doit avoir :

1° « dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds » ;

2° « détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur » ;

3° « frauduleusement augmenté le passif du débiteur » ;

4° « tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation » ;

5° « tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ».

3. Les règles de procédure

190

La prescription triennale de l'action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure collective, lorsque les faits incriminés ont été révélés avant cette date.

La juridiction répressive est saisie, soit sur poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du représentant des salariés, du commissaire à l'exécution du plan, du liquidateur ou de la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers, lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir ne l'a pas fait, malgré une mise en demeure restée sans suite à l'expiration d'un délai de deux mois.

4. Les peines encourues

200

L'article L. 654-3 du C. Com punit la banqueroute d'une peine d'emprisonnement et d'une amende.

Lorsque l'auteur ou le complice de banqueroute est dirigeant d'une entreprise prestataire de services d'investissement, la peine d'emprisonnement et l'amende sont augmentées (C. com., art. L. 654-4).

Des peines complémentaires sont prévues pour les personnes physiques reconnues coupables du délit de banqueroute.

Les personnes morales reconnues coupables de banqueroute encourent, en application de l'article L. 654-7 du C. com, l'amende, les peines et l'interdiction mentionnées à l'article 131-38 du code pénal et à l'article 131-39 du code pénal.

La juridiction répressive qui reconnaît une personne coupable de banqueroute peut, en outre et dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 653-11 du C. com, prononcer soit la faillite personnelle de celle-ci, soit l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 du C. com, à moins qu'une juridiction civile ou commerciale n'ait déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits.

B. Les autres infractions pénales prévues par le code de commerce

210

Les dispositions prévues aux articles L. 654-8 à L. 654-15 du C. com permettent de sanctionner pénalement par des peines d'emprisonnement et des amendes d'autres infractions, notamment, le fait :

- d'effectuer un paiement en violation des modalités de règlement du passif prévues au plan de sauvegarde ou au plan de redressement ;

- pour toute personne, de déclarer frauduleusement dans la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit en son nom, soit par interposition de personne, des créances supposées ;

- pour le conjoint, les descendants ou les ascendants ou les collatéraux ou les alliés des personnes mentionnées à l'article L. 654-1 du C. com, de détourner, divertir ou receler des effets dépendant de l'actif du débiteur soumis à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;

- pour tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan de porter volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu'il savait n'être pas dus ou de faire, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur ;

- pour le créancier, après le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, de passer une convention comportant un avantage particulier à la charge du débiteur ;

- de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la personne morale qui a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou à celles des associés ou des créanciers de la personne morale, de détourner ou de dissimuler, ou de tenter de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de leurs biens, ou de se faire frauduleusement reconnaître débitrice de sommes qu'elles ne devaient pas ;

- pour toute personne, d'exercer une activité professionnelle ou des fonctions en violation des interdictions, déchéances ou incapacité prévues par les articles L. 653-2 et L. 653-8 du C. com.