Date de début de publication du BOI : 09/10/2024
Identifiant juridique : BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-20

TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables en raison de leur nature - Application des principes aux activités libérales - Règles générales applicables aux auteurs et interprètes des œuvres de l'esprit et aux artistes du spectacle

Actualité liée : 09/10/2024 : TVA - Conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les règles de TVA applicables au titre de la rémunération pour copie privée et de la rémunération équitable - Jurisprudences (CJUE, arrêt du 18 janvier 2017, aff. C-37/16, « SAWP » ; CJUE, arrêt du 21 janvier 2021, aff. C-501/19, « UCMR-ADA »)

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En application des dispositions de l'article 256 du code général des impôts (CGI) et de l'article 256 A du CGI, les auteurs des œuvres de l'esprit, les artistes-interprètes et les artistes du spectacle, agissant à titre indépendant, doivent soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les livraisons de biens et les prestations de services qu'ils réalisent à titre onéreux sous réserve de l'application de la franchise en base de l'article 293 B du CGI (BOI-TVA-DECLA-40-30).

I. Situation des auteurs des œuvres de l'esprit

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Le code de la propriété intellectuelle (CPI) organise la protection de la propriété littéraire et artistique.

Les dispositions de l'article L. 122-1 et suivants du CPI reconnaissent aux auteurs des œuvres de l'esprit des droits patrimoniaux sur leurs œuvres : droit de représentation, droit de reproduction, droit de suite, droit à rémunération pour copie privée. Les œuvres protégées sont les œuvres littéraires ou artistiques originales, c'est-à-dire celles qui portent l'empreinte de la personnalité de l'artiste (CPI, art. L. 112-1 à CPI, art. L. 112-4). Les titulaires des droits sont les auteurs des œuvres leur vie durant, l'article L. 113-1 du CPI à l'article L. 113-9 du CPI précisant à qui appartient cette qualité dans le cas d'œuvres de collaboration, d'œuvres composites et d'œuvres collectives. Toutefois, au décès de l'auteur, les droits persistent au profit des ayants droit des auteurs dans les conditions fixées de l'article L. 123-1 du CPI à l'article L. 123-12 du CPI.

Les auteurs des œuvres de l'esprit peuvent exploiter individuellement leurs droits (par exemple, cas de l'écrivain qui conclut un contrat d'édition). La gestion collective des droits, plus répandue, est assurée par des organismes de gestion collective mentionnés à l'article L. 321-1 du CPI.

A. Personnes concernées

1. Auteurs des œuvres de l'esprit agissant à titre indépendant

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Lorsqu'ils agissent à titre indépendant, les auteurs des œuvres de l'esprit doivent soumettre à la TVA leurs opérations. En revanche, lorsqu'ils agissent en qualité de salariés, ils n'ont pas la qualité d'assujetti à la TVA.

a. Cas de l'auteur salarié

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Les œuvres réalisées en vertu d'un contrat de travail n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA.

Toutefois, les œuvres réalisées dans le cadre d'un tel contrat peuvent donner lieu à la perception, concomitante ou ultérieure, de rémunérations dans le cadre de l'exploitation des droits conservés par l'auteur sur ses œuvres : ces rémunérations, perçues à titre indépendant, doivent être soumises à la TVA.

Remarque : En application des dispositions du 1 quater de l'article 93 du CGI, les produits des droits d'auteur perçus par les auteurs et compositeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires lorsqu'ils sont intégralement déclarés par des tiers. La situation des écrivains et compositeurs à l'égard de l'impôt sur le revenu n'a pas pour effet de placer leurs opérations hors du champ d'application de la TVA conformément aux dispositions de l'article 256 A du CGI dès lors qu'ils agissent à titre indépendant.

La jurisprudence a d'ailleurs confirmé que les revenus en cause demeuraient des bénéfices non commerciaux même si la base d'imposition est déterminée selon les règles applicables aux traitements et salaires (CAA de Paris, arrêt du 9 octobre 1990, n° 89PA00895).

b. Situation des journalistes

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En vertu de l'article L. 7112-1 du code du travail (C. trav.), les journalistes professionnels bénéficient d'une présomption d'existence de contrat de travail et sont donc salariés de l'entreprise de presse qui les emploie. La rémunération qu'ils perçoivent n'est pas soumise à la TVA.

Cette situation de salarié n'exclut toutefois pas que les journalistes perçoivent des rémunérations qui ont le caractère de droits d'auteur passibles de la TVA (par exemple : sommes perçues au titre de la publication de leurs articles en recueil conformément à l'article L. 121-8 du CPI).

Par ailleurs, le journaliste qui exercerait sa profession en toute indépendance vis-à-vis de l'entreprise de presse et percevrait sa rémunération en droits d'auteur devrait la soumettre à la TVA.

2. Titulaire de la qualité d'auteur

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En principe, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée.

L'article L. 113-2 du CPI à l'article L. 113-8 du CPI précisent toutefois dans certains cas à qui appartient la propriété de l'œuvre et le titulaire des droits :

  • l'œuvre composite est l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière. Elle est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante ;
  • l'œuvre de collaboration est celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Elle est la propriété commune des auteurs. De plus, lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'œuvre commune (dernier alinéa de l'article L. 113-3 du CPI) ;
  • l'œuvre audiovisuelle (dont l'œuvre cinématographique) est une œuvre de collaboration pour laquelle la loi a réputé coauteurs : les auteurs du scénario, de l'adaptation, du texte parlé, des compositions musicales spécialement réalisées pour l'œuvre ainsi que le réalisateur ;
  • l'œuvre radiophonique est également une œuvre de collaboration ;
  • l'œuvre collective est celle qui est créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. L'œuvre collective est la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

La jurisprudence de la Cour de cassation, en cas de pluralité de créateurs, considère l'œuvre collective comme l'exception et l'œuvre de collaboration comme le régime de droit commun.

Les encyclopédies et les dictionnaires sont des exemples d'œuvres collectives.

Remarque : L'auteur d'une œuvre de l'esprit ne peut être une personne morale que dans le cas d'une œuvre collective.

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N'ont pas la qualité d'auteur :

  • l'éditeur qui est la personne ayant acquis de l'auteur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion ;
  • le producteur de phonogrammes qui est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son ;
  • le producteur de vidéogrammes qui est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisées ou non ;
  • les entrepreneurs ou organisateurs de spectacle ;
  • les marchands d'œuvres d'art et les galeries d'art ;
  • les intermédiaires (agents littéraires et artistiques, courtiers, etc.).

Les directeurs de collection ont ou non la qualité d'auteur selon le degré de participation aux ouvrages publiés qui dépend des circonstances de droit (stipulations des contrats) ou de fait (par ailleurs la jurisprudence considère que la collection elle-même n'est pas une œuvre de l'esprit).

3. Ayants droit des auteurs des œuvres de l'esprit

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Les ayants droit des auteurs sont redevables de la TVA. Sont concernés notamment les héritiers, les légataires et les exécuteurs testamentaires des auteurs des œuvres de l'esprit. Tel est également le cas des conjoints survivants d'auteurs bénéficiaires de l'usufruit du droit d'exploitation prévu à l'article L. 123-6 du CPI.

Il en est de même pour les différents organismes professionnels auxquels les auteurs ou leurs ayants droits légaux peuvent confier le soin de conclure des contrats de représentation de leurs œuvres ou la perception des droits qui leur reviennent.

Remarque : Le terme d'auteur est utilisé dans les développements qui suivent pour désigner les auteurs, leurs ayants droit et le conjoint survivant.

4. Cas particuliers

a. Société en participation constituée dans le cadre d'un contrat de « compte à demi »

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Par un tel contrat, l'auteur charge l'éditeur de fabriquer des exemplaires de l'œuvre et d'en assurer la publication et la diffusion moyennant l'engagement réciproque de partager les bénéfices et les pertes. La société en participation est redevable de la TVA au titre de la vente des exemplaires. L'auteur n'est en revanche pas personnellement redevable de la TVA au titre du bénéfice retiré de sa participation.

b. Société de fait constituée par tous les cohéritiers d'un même auteur

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Les droits de tous les cohéritiers d'un même auteur sont fréquemment versés à l'un d'entre eux chargé de les percevoir collectivement puis de les répartir à chaque ayant droit. Il est admis que les cohéritiers se placent au regard de la TVA dans la situation d'une société de fait redevable de la TVA à raison de l'ensemble des droits perçus, le versement de la taxe étant alors assuré par le cohéritier gérant.

Cette faculté de considérer un cohéritier comme gérant d'une société de fait redevable de la TVA ne concerne pas les intermédiaires (avocats, agents divers, etc.) qui peuvent éventuellement percevoir des droits pour le compte d'un ou plusieurs auteurs ou héritiers ou d'un groupement de cohéritiers à qui ils les reversent. En effet, dans ce cas, chaque auteur, ayant droit ou gérant d'un groupement de fait de cohéritiers est personnellement redevable de la TVA au titre de ses perceptions. Chacune de ces personnes doit déclarer à la TVA l'ensemble des droits perçus pour son compte et peut déduire la taxe facturée par l'intermédiaire dans les conditions de droit commun.

B. Œuvres concernées

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Les œuvres doivent présenter les caractéristiques d'une création artistique et porter l'empreinte de la personnalité de l'artiste.

Sous cette condition, l'article L. 112-2 du CPI cite notamment :

  • les livres, brochures, et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;
  • les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature ;
  • les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;
  • les compositions musicales avec ou sans paroles ;
  • les œuvres audiovisuelles consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non ;
  • les œuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque et les pantomimes ;
  • les illustrations, cartes géographiques ainsi que les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie ou aux sciences ;

Il est rappelé que les relevés topographiques effectués par les géomètres-experts ne remplissent pas la condition d'originalité nécessaire à la reconnaissance d'une œuvre de l'esprit (RM Pinte n° 58838, JO AN du 28 janvier 1985, p. 364 [PDF - 6,78 Mo]).

  • les œuvres graphiques ou plastiques.

Sont également concernées, les œuvres d'art visées au II de l'article 98 A de l'annexe III au CGI. Pour plus de précisions sur ces œuvres d'art, il convient de se reporter au II § 130 et suivants du BOI-TVA-SECT-90-10.

Peuvent également être considérées comme des œuvres d'art, des arts appliqués, les productions qui, sans être mentionnées dans cette énumération, remplissent les conditions suivantes :

  • elles sont réalisées en exemplaire unique ou en nombre limité. Il est indispensable, à cet égard, que les créations puissent être individualisées par la signature de leur auteur et qu'elles soient numérotées lorsqu'elles sont produites en plusieurs exemplaires ;
  • elles dénotent de la part de leur auteur l'intention de réaliser une œuvre qui a exclusivement une fonction artistique. Les productions d'objets utilitaires par nature (production de l'artisanat d'art telles que assiettes peintes, tissus, vêtements, mobilier, instruments de musique, bijoux, etc.) ne peuvent être considérées comme des œuvres des arts appliqués que s'il apparaît qu'elles constituent le support d'une création artistique et n'ont aucune vocation à être utilisées en fonction de leurs caractéristiques apparentes.

L'article L. 112-3 du CPI protège également les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l'esprit, les anthologies ou recueils d'œuvres ou de données diverses qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles.

C. Opérations imposables

1. Livraisons de biens

110

Il s'agit des opérations de vente d'œuvres graphiques ou plastiques (peintures, sculptures, dessins, etc.).

Les opérations suivantes sont notamment imposables :

  • vente des exemplaires des œuvres dont l'auteur assure lui-même la reproduction et la diffusion (situation des auteurs-éditeurs) ;
  • vente des exemplaires des œuvres lorsque l'auteur est lié à l'éditeur par un contrat « à compte d'auteur ». Dans cette situation, l'éditeur commercialise les exemplaires pour le compte de l'auteur auquel il est lié par un contrat de louage d'ouvrage.

2. Exploitation des droits d'auteur

a. Opérations relevant de l'exercice du droit de représentation

120

La représentation consiste dans la communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque et notamment :

  • par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission, dans un lieu public de l'œuvre télédiffusée ;
  • par télédiffusion.

Les rémunérations perçues en vertu d'un contrat de représentation (CPI, art. L. 132-18 et CPI, art. L. 132-22) ou d'un contrat de cession du droit de représentation doivent être soumises à la TVA.

b. Opérations relevant de l'exercice du droit de reproduction

130

La reproduction d'une œuvre de l'esprit consiste dans sa fixation matérielle par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte ; elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tous procédés des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.

Doivent ainsi être soumises à la TVA les sommes perçues en contrepartie de la cession du droit de reproduction. Tel est notamment le cas des redevances perçues dans le cadre d'un contrat d'édition (CPI, art. L. 132-1 et suivants).

3. Autres opérations

140

Les livraisons de biens et les prestations de services ne portant pas sur des œuvres de l'esprit réalisées par les auteurs ou leurs ayants droit sont imposables dans les conditions de droit commun.

D. Opérations non imposables

1. Prix et récompenses

150

Les sommes perçues à l'occasion de l'attribution de prix (par exemple : le Prix Nobel de littérature) n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA dès lors qu'elles constituent des récompenses ne rémunérant pas une livraison de biens ou l'exécution d'une prestation de services.

2. Aides à la création

160

Les auteurs des œuvres de l'esprit peuvent percevoir de divers organismes publics ou privés des aides ou des bourses. Ces sommes ne sont pas imposables à la TVA sauf si elles ont en fait pour contrepartie une livraison de biens ou une prestation de services ou si elles constituent le complément du prix d'une opération imposable.

3. Activités d'enseignement

170

Les auteurs des œuvres de l'esprit peuvent bénéficier, le cas échéant, de l'exonération prévue au b du 4° du 4 de l'article 261 du CGI pour les cours ou leçons particulières, dans les conditions exposées au III § 360 à 390 du BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50.

4. Opérations relevant de l'exercice du droit de reproduction

175

Les sommes perçues au titre du droit de suite prévu à l'article L. 122-8 du CPI ne doivent pas être soumises à la TVA.

De plus, les sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée des phonogrammes ou des vidéogrammes instituée par l'article L. 311-1 et suivants du CPI n'ont pas à être soumises à TVA.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE arrêt du 18 janvier 2017, aff. C-37/16, « SAWP », ECLI:EU:C:2017:22), les titulaires de droits de reproduction n'effectuent pas une prestation de service entrant dans le champ de la TVA au profit des producteurs et des importateurs de supports vierges et d'appareils d'enregistrement et de reproduction. En effet, les redevances, telles que celles en cause, visent à financer « la compensation équitable » au sens du b du 2 de l'article 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil 21 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information au profit des titulaires de droits de reproduction. Or, la compensation équitable ne constitue pas la contre-valeur directe d'une quelconque prestation car elle est liée au préjudice résultant pour ces titulaires de la reproduction de leurs œuvres protégées, effectuée sans leur autorisation (en ce sens, CJUE, arrêt du 21 octobre 2010, aff. C-467/08, « Padawan SL », ECLI:EU:C:2010:620, point 40).

II. Situation des interprètes des œuvres de l'esprit et des artistes du spectacle

180

L'article L. 212-1 du CPI définit l'artiste-interprète ou exécutant, à l'exclusion de l'artiste de complément considéré comme tel par les usages professionnels (il s'agit des figurants), comme la personne qui chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes.

La loi confère des droits voisins du droit d'auteur aux artistes-interprètes :

  • le droit d'autoriser la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de sa prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image ;
  • le droit à rémunération pour copie privée ;
  • le droit à une rémunération dite « équitable ».

La durée de ces droits est fixée par l'article L. 211-4 du CPI. Si l'artiste-interprète décède pendant la durée de la protection, les droits reviennent à ses héritiers.

La gestion des droits des artistes-interprètes est souvent collective et assurée par des organismes de gestion collective.

A. Personnes concernées

190

Les artistes du spectacle, les artistes-interprètes et leurs ayants droit doivent soumettre leurs opérations à la TVA, sous réserve des précisions qui figurent ci-après.

Remarque 1 : Les précisions apportées pour les cohéritiers des auteurs s'appliquent à l'identique pour les cohéritiers des artistes-interprètes (I-A-4-b § 90).

Remarque 2 : Le terme d'artiste-interprète est utilisé dans les développements qui suivent pour désigner les artistes-interprètes et leurs ayants droit.

B. Exploitation du droit d'autoriser la fixation de la prestation, sa reproduction et sa communication au public

1. Législation sociale applicable

a. Dispositions générales

200

L'article L. 7121-3 du C. trav. prévoit que tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dés lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et des sociétés.

Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n'est pas non plus détruite par la preuve que l'artiste conserve la liberté d'expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu'il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle.

Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment l'artiste lyrique, dramatique, chorégraphique, l'artiste de variété, le musicien, le chansonnier, l'artiste de complément, le chef d'orchestre, l'arrangeur-orchestrateur et pour l'exécution matérielle de sa conception artistique le metteur en scène.

L'article L. 7121-8 du C. trav. précise que la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter ledit enregistrement ;
  • et la rémunération n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de l'interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l'exploitation dudit enregistrement.

b. Cas particulier des artistes-interprètes qui concourent à la réalisation d'une œuvre audiovisuelle

210

L'article L. 212-6 du CPI précise que les dispositions de l'article L. 7121-8 du C. trav. ne s'appliquent qu'à la fraction de la rémunération perçue en vertu d'un contrat de production audiovisuelle qui excède les bases de la convention collective, ou à défaut, de l'accord spécifique conclu, dans chaque secteur d'activité, entre les organisations de salariés et d'employeurs.

2. Conséquences en matière de TVA

a. Artistes autres que ceux concourant à la réalisation d'une œuvre audiovisuelle

220

Les prestations des artistes pour lesquelles leur présence physique est nécessaire, rémunérées par des salaires généralement dénommés « cachets », sont hors du champ d'application de la TVA.

Les sommes perçues par les artistes au titre des droits qu'ils détiennent sur leur interprétation, lorsqu'elles sont proportionnelles au produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement (dans ce cas, généralement dénommées « royalties »), sont imposables à la TVA. Par contre, lorsque ces sommes sont fonction du salaire initial, elles ont le caractère de salaire et sont donc hors du champ d'application de la TVA.

b. Cas particuliers des artistes-interprètes qui concourent à la réalisation d'une œuvre audiovisuelle

230

Les dispositions de l'article L. 212-1 du CPI à l'article L. 212-15 du CPI distinguent selon que le contrat a été conclu avant ou après le 1er janvier 1986.

1° Rémunérations perçues en application de contrats conclus avant le 1er janvier 1986

240

Les principes dégagés au II-B-2-a § 220 sont applicables.

En conséquence, les sommes perçues au titre des utilisations secondaires d'une œuvre, qui sont calculées en pourcentage du cachet initial et généralement dénommées « compléments de cachet » ne sont pas imposables à la TVA.

En revanche, les rémunérations perçues dans les cas d'utilisations secondaires de l'œuvre, qui sont proportionnelles aux recettes de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement, n'ont pas le caractère de salaires et doivent être soumises à la TVA (alors même que la clé de répartition des sommes dues à chacun des artistes est fonction du salaire initial) dès lors que la présence physique des artistes n'est pas requise.

2° Rémunérations perçues en application de contrats conclus après le 1er janvier 1986

250

Ont le caractère de salaires non imposables à la TVA, outre le « cachet » initial, les sommes versées dans le cadre d'un contrat de production audiovisuelle, quel que soit leur mode de calcul, pour la fraction qui n'excède pas :

  • les bases fixées par la convention collective ou, à défaut, l'accord spécifique propre au secteur d'activité concerné ;
  • en l'absence d'accord, les bases fixées, dans les conditions prévues à l'article L. 212-9 du CPI, par une commission présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire.

Pour les sommes qui excèdent ces bases, il convient de réintroduire la distinction précédente : caractère salarial (hors du champ d'application de la TVA) si elles sont fonction du salaire, caractère non salarial (assujettissement à la TVA) si elles sont fonction des recettes, à condition que la présence physique de l'artiste ne soit pas requise.

C. Rémunération pour copie privée

260

La rémunération pour copie privée perçue en application de l'article L. 311-1 et suivants du CPI constituent la traduction française de la compensation équitable du préjudice résultant pour ces titulaires de la reproduction de leurs œuvres protégées, effectuée sans leur autorisation. Par conséquent, cette rémunération n'est pas à être soumise à la TVA (I-D-4 § 175).

D. Rémunération « équitable »

265

La rémunération dite « équitable » perçue en application des dispositions de l'article L. 214-1 et suivants du CPI par les artistes interprètes est quant à elle soumise à la TVA.

En effet, conformément à la jurisprudence de la CJUE, l'article 2, paragraphe 1, sous c, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/88/UE du Conseil, du 7 décembre 2010, doit être interprété en ce sens qu’un titulaire de droits d’auteur sur des œuvres musicales effectue une prestation de services à titre onéreux au bénéfice d’un organisateur de spectacles, utilisateur final, lorsque celui-ci est autorisé, par une licence non exclusive, à communiquer au public ces œuvres moyennant le paiement de redevances perçues par un organisme de gestion collective désigné, qui agit en son nom, mais pour le compte de ce titulaire de droits d’auteur (CJUE, arrêt du 21 janvier 2021, aff. C-501/19,« UCMR - ADA », ECLI:EU:C:2021:50).

E. Autres opérations

270

De façon générale, toutes les opérations réalisées à titre onéreux par les artistes-interprètes et les artistes du spectacle, lorsque ceux-ci n'ont pas la qualité de salarié, sont imposables à la TVA.

L'artiste qui agit en tant qu'organisateur de spectacles reste bien entendu soumis à la TVA.

Les sommes perçues à titre de prix, de récompenses ou d'aides, ainsi que les rémunérations perçues dans le cadre d'une activité d'enseignement ne sont pas soumises à la TVA, dans les mêmes conditions que pour les auteurs (I-D § 150 à 170).

III. Situation des organismes de gestion collective

A. Organismes concernés

280

Des organismes de gestion collective interviennent pour la perception et la répartition des droits revenant aux auteurs et aux artistes-interprètes dans les conditions prévues à l'article L. 321-1 du CPI.

1. Sociétés d'auteurs et d'éditeurs

290

Il s'agit, entre autres, des sociétés suivantes :

  • ADAGP : société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques ;
  • CFC : centre français d’exploitation du droit de copie ;
  • SAIF : société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe ;
  • SACD : société civile des auteurs et compositeurs dramatiques ;
  • SOFIA : société française des intérêts des auteurs de l’écrit ;
  • SCELF : société civile des éditeurs de langue française ;
  • SACEM : société civile des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ;
  • SCAM : société civile des auteurs multimédia ;
  • SDRM : société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ;
  • SEAM : société des auteurs et éditeurs de musique ;
  • SESAM : société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ;
  • SAJE : société des auteurs de jeux ;
  • AVA : société des arts visuels associés.

2. Sociétés d'artistes-interprètes

300

Il s'agit, entre autres, des sociétés suivantes :

  • ADAMI : société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes ;
  • SPEDIDAM : société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse ;
  • SAI : société des artistes interprètes.

3. Sociétés intersociales ou communes à différentes catégories

310

Il s'agit, notamment, des sociétés suivantes :

  • ARP : société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs ;
  • SPRE : société civile pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce ;
  • COPIE-FRANCE : société pour la rémunération de la copie privée.

B. Règles applicables aux différents organismes de gestion collective

320

Les organismes de gestion collective sont obligatoirement soumis à la TVA.

En ce qui concerne la perception des droits d'auteur ou d'artiste-interprète, ces organismes peuvent agir sous leur propre nom ou sous le nom de leurs sociétaires à l'égard des utilisateurs des œuvres ou interprétations ou des acquéreurs des droits.

Dans le premier cas, ils agissent comme intermédiaires « opaques ». Ils sont réputés rendre les services aux utilisateurs ou acquéreurs des droits en application du V de l'article 256 du CGI. Ils sont imposables sur le montant total de l'opération.

Dans le second cas, ils agissent comme intermédiaires « transparents ». Ils réalisent une prestation d'entremise. Ils sont imposables sur leur seule rémunération.

330

Par application de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, arrêt du 18 janvier 2017, aff. C-37/16, « SAWP », ECLI:EU:C:2017:22), les organismes qui collectent la rémunération pour copie privée prévue à l'article L. 311-1 et suivants du CPI n'agissent pas en tant qu'assujettis assimilés à des acheteurs-revendeurs au sens du V de l'article 256 du CGI. Par suite, ils n'ont pas à documenter ces opérations au moyen de factures en application de l’article 289 du CGI, mentionnant la TVA due au titre des redevances perçues et émises en faveur des producteurs et des importateurs des appareils et supports d'enregistrement et d’autres appareils similaires ou de supports vierges et les auteurs, les artistes interprètes ou exécutants et les autres titulaires de droits.

De même, il n'incombe pas aux titulaires de droits, lors de la redistribution des redevances prélevées pour leur compte, de documenter la réception de celles-ci au moyen de factures incluant la TVA, émises en faveur des organismes de gestion collective ayant perçu ces redevances. En effet, il n'existe pas de prestation de service rendue par les titulaires des droits de reproduction envers les producteurs et importateurs des appareils et supports d'enregistrement dans laquelle les organismes de gestion collective s'entremettraient.

Ces organismes sont en revanche soumis à la TVA au titre de leur prestation de gestion. La base imposable est alors constituée de la seule part des rémunérations qu'ils conservent au titre des coûts de collecte et de gestion et, le cas échéant, des éventuels frais appliqués en sus à ce titre.