CF - Droit de communication et procédures de recherche et de lutte contre la fraude - Droit de communication auprès des tribunaux
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L'article L101 du livre des procédures fiscales (LPF) fait obligation à l'autorité judiciaire de communiquer spontanément à l'administration fiscale toute indication qu'elle peut recueillir, susceptible de répercussions fiscales.
Cette mesure apparaît comme le corollaire de l'article 40 du code de procédure pénale. En effet, cet article oblige les fonctionnaires qui acquièrent la connaissance de faits délictueux à porter spontanément et sans délai à la connaissance du procureur tous renseignements et documents relatifs à ces faits (cette obligation permet en outre leur audition dans le cadre d'une enquête préliminaire visant ces faits).
L'article R*101-1 du LPF prévoit des modalités particulières de mise à disposition des pièces de procédure.
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Par ailleurs, I'article L82 C du LPF autorise le ministère public à communiquer les dossiers à l'administration fiscale, à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, soit spontanément, soit sur demande préalable.
Remarque : Il est rappelé que la durée de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) est portée à deux ans en cas, notamment, de mise en œuvre, dans le délai initial d'un an, des articles L82 C et L101 du LPF (LPF, art. L12, dernier alinéa).
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Le présent chapitre traite des modalités d'application (conditions d'exercice et nature des documents communiqués) des articles L82 C, L101 et R*101-1 du LPF relatifs au droit de communication auprès de l'autorité judiciaire considérée dans son ensemble, qu'il s'agisse des magistrats du parquet, des magistrats du siège ou des juges d'instruction.
I. Conditions d'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire
A. Communication effectuée par l'autorité judiciaire sans demande préalable de l'administration fiscale
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Les articles L101 et R*101-1 du LPF instituent une obligation de communication spontanée pour l'autorité judiciaire.
Dans un arrêt rendu le 3 décembre 1990 (SA Antipolia, req. n° 103101), le Conseil d'État a, toutefois, précisé que l'administration peut prendre l'initiative de demander la communication des informations détenues par l'autorité judiciaire, pour l'application de l'article L101 du LPF.
1. Champ d’application
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L'article L101 du LPF porte sur toute indication de nature à laisser présumer :
- soit une fraude fiscale ;
- soit même une simple manœuvre ayant pour objet une fraude fiscale.
Il vise toute indication recueillie au cours :
- d'une instance civile ou commerciale ;
- d'une information criminelle ou correctionnelle (qu'il s'agisse d'une enquête préliminaire ou de flagrance ou d'une procédure d'information proprement dite) même terminée par un non-lieu.
Il concerne indifféremment :
- les affaires ayant déjà donné lieu à un jugement ;
- les affaires en cours d'instruction.
Voir en ce sens l'arrêt CE, 22 novembre 1978, req. n° 06557, RJ, n° IV, p. 70.
2. Modalités d’application
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L'article R*101-1 du LPF prévoit une obligation de mise à disposition des pièces relatives aux décisions rendues par les juridictions civiles, administratives, consulaires, prud'homales ou militaires.
Ces pièces doivent s'entendre :
- de toutes celles versées au dossier, que celles-ci aient été ou non invoquées par un plaideur ;
- même si elles n'ont pas été retenues par le juge, ni visées dans le jugement.
Elles sont déposées au greffe des tribunaux concernés et demeurent à la disposition de l'administration :
- durant la quinzaine qui suit toute décision de justice ;
- en matière correctionnelle, le délai de dépôt est limité à dix jours.
Le Conseil d'État (arrêt du 8 octobre 1969, req. n° 65153, 7e et 9e sous-sections, RJCD, 1969, 2e partie, p. 102) a confirmé l'obligation, pour l'autorité judiciaire chargée de la suite à donner à un procès-verbal dressé par des agents de police judiciaire, d'informer l'administration fiscale des renseignements en sa possession concernant les faits relevés. Les agents de la police judiciaire agissaient dans le cadre des ordonnances du 30 juin 1945 relatives aux prix et à la répression des infractions à la législation économique [les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 ont été abrogées par des ordonnances modificatives des 1er décembre 1986 (n° 86-1243) et 18 septembre 2000 (n° 2000-912) et codifiées aux articles L410-1 et suivants du code de commerce].
B. Communication effectuée par le ministère public spontanément ou sur demande de l'administration fiscale
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L'article L82 C du LPF, destiné à favoriser la recherche de renseignements utiles au contrôle fiscal, constitue une modalité particulière d'exercice du droit de communication.
Cette disposition autorise les magistrats du parquet à communiquer à l'administration fiscale des dossiers en instance devant toute juridiction civile ou criminelle et peut s'appliquer :
- soit spontanément ;
- soit sur demande préalable de l'administration fiscale.
Le texte ne prévoit aucun formalisme particulier et ses conditions de mise en œuvre sont fixées au plan local par les procureurs en accord avec les directeurs départementaux des finances publiques qui désignent des fonctionnaires chargés de représenter l'administration auprès de l'autorité judiciaire.
Dans la pratique :
- hors les cas de communication spontanée par l'autorité judiciaire, toutes les demandes de consultation des dossiers doivent être formulées par les agents des finances publiques auprès du procureur compétent ;
- sauf urgence et circonstances particulières, les demandes sont formulées par écrit ;
- elles doivent être renouvelées au fur et à mesure de l'avancement du dossier si plusieurs consultations sont nécessaires ;
- l'autorisation donnée au ministère public de communiquer les dossiers à l'administration peut être utilisée à tout moment, c'est-à-dire sans attendre l'achèvement de la procédure ou, au contraire, après expiration du délai de mise à disposition obligatoire prévu par l'article R*101-1 du LPF.
II. Nature des documents communiqués
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Les renseignements recueillis par les agents des finances publiques, dans le cadre des procédures décrites ci-dessus ont pour finalité la détection d'infractions fiscales et la mise en œuvre des mesures de contrôle appropriées pour les sanctionner.
Ils peuvent être illustrés de copies de documents qui pourront être opposés en cas de besoin au contribuable pour la partie qui le concerne (la personne mise en examen elle-même, une des parties en cause ou, le cas échéant un tiers) lors d'une procédure de contrôle ou de rectification.
Il est rappelé à cet égard que les pièces et procès-verbaux invoqués par l'administration dans le cadre d'une procédure de redressement contradictoire doivent être communiqués au contribuable qui le demande, quand bien même ce dernier en aurait déjà obtenu communication à l'initiative d'une autre administration (cf. CE, 14 mai 1986, n° 59590, 9e et 8e sous-sections et CE, 9 juillet 1986, n° 30770, 9e et 8e sous-sections).