IS - Base d'imposition - Produits - Profit imposable résultant de certains apports en capital libérés par compensation avec des créances liquides et exigibles
Actualité liée : 28/04/2021 : IS - Profit imposable résultant de certains apports de créances (loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, art. 32)
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Le premier alinéa du VII bis de l'article 209 du code général des impôts (CGI), précise les modalités de détermination du profit résultant d’une augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles.
Ainsi, le profit imposable est déterminé à partir de la valeur réelle des titres reçus en contrepartie de tels suppléments d’apport.
I. Champ d’application du dispositif
A. Entreprises concernées
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Sont soumis au présent dispositif les sociétés et organismes soumis de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés selon les dispositions de l'article 206 du CGI, ainsi que les établissements français d’une société étrangère qui remplissent les conditions pour être soumis à l’impôt sur les sociétés en France tant au regard des critères de droit interne retenus par la jurisprudence administrative (BOI-IS-CHAMP-60-10-30), que de ceux définis par les conventions internationales (BOI-INT-DG-20-10-20).
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Par ailleurs, en application du I de l'article 238 bis K du CGI, la part de bénéfice correspondant aux droits détenus dans une société ou un groupement mentionné à l'article 8 du CGI, l'article 8 quinquies du CGI, l'article 239 quater B du CGI, l'article 239 quater C du CGI ou l'article 239 quater D du CGI est déterminée selon les règles applicables pour la détermination de l’impôt sur les sociétés lorsque ces droits sont inscrits à l’actif d’une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.
Dans ces conditions, les dispositions du VII bis de l'article 209 du CGI s’appliquent pour déterminer la part de résultat dont est attributaire chaque associé soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.
B. Titres concernés
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Sont visés par le présent dispositif les titres de participation définis au troisième alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du CGI, relevant du régime des plus et moins-values à long terme, soumises au taux de 0 %, défini au a quinquies du I de l'article 219 du CGI. Sont ainsi concernés :
- les titres de participation au sens strict, c'est-à-dire les parts ou actions revêtant ce caractère sur le plan comptable ;
- les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange dont l'entreprise détentrice est l'initiatrice, si ces actions sont inscrites en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable ;
- les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, et si la société mère détient au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice.
Sur l'ensemble de ces notions, il convient de se reporter au BOI-BIC-PVMV-30-10.
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En revanche, ne sont pas concernés par le présent dispositif :
- les titres exclus du régime des plus et moins-values à long terme dont la liste figure au II § 40 et suivants du BOI-IS-BASE-20-20-10-10 ;
- les titres qui bénéficient du régime des plus-values et moins-values à long terme, mais ne bénéficient pas du taux de 0 % défini au a quinquies du I de l'article 219 du CGI (par exemple, les titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées, définis au troisième alinéa du a du I de l'article 219 du CGI).
C. Opérations d’apport concernées
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Sont concernés les apports en numéraire libérés par compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles sur la société émettrice des titres. Conformément aux dispositions de l'article L. 225-128 du code de commerce (C. com.), les titres de capital nouveaux ne peuvent pas être libérés par compensation avec des créances non liquides ou non exigibles. Ces créances peuvent seulement faire l'objet d'un apport en nature.
Sont donc hors champ de la mesure :
- les apports de créances qui constituent des apports en nature, comptabilisés à leur valeur vénale aux termes de l'article 213-1 du plan comptable général (PCG) ;
- les autres apports en nature ;
- les apports en numéraire libérés en espèces ou assimilés.
D. Créances acquises auprès d'entreprises non liées
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Pour ouvrir droit au dispositif de détermination du profit à partir de la valeur réelle des titres reçus, la société cédant la créance ne doit être liée, au sens du 12 de l'article 39 du CGI, ni à la société émettrice, ni à la société qui acquiert les titres.
Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises :
- lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
- lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies à l'alinéa précédent, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.
Pour plus de précisions sur la notion de liens de dépendance, il convient de se reporter au I-A-2-a § 20 du BOI-BIC-CHG-40-20-10.
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Toutefois, le second alinéa du VII bis de l'article 209 du CGI, dispose que l'absence de tels liens n'est pas exigée entre l'entreprise auprès de laquelle la créance a été acquise et l'entreprise émettrice lorsque l'augmentation de capital libérée par compensation avec cette créance est effectuée dans le cadre :
- d'un plan de sauvegarde prévu à l'article L. 626-1 et suivants du C. com. ;
- d'un plan de redressement prévu à l'article L. 631-1 et suivants du C. com. ;
- ou d'un accord de conciliation constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du C. com..
Cette disposition s'applique pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2020.
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Les liens de dépendance définis ci-dessus sont appréciés au cours des douze mois qui précèdent et qui suivent la date d’acquisition des titres qui correspond à celle de l’apport.
La période de douze mois doit être décomptée de date à date.
Il résulte du présent dispositif que les modalités de détermination du profit, telles qu'elles sont décrites au II § 80 à 140 peuvent être remises en cause postérieurement à l'opération d'apport, si des liens de dépendance sont établis entre :
- la société qui cède sa créance ;
- et la société émettrice ou la société qui acquiert les titres.
II. Modalités de détermination du profit
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Le profit compris dans le résultat imposable, en application du présent dispositif, est égal à la différence entre, d’une part, la valeur réelle des titres reçus en contrepartie de l’apport de la créance et, d’autre part, la valeur d'acquisition de la créance apportée figurant à l'actif du bilan. Par construction, ces modalités de détermination du produit imposable ne peuvent avoir pour effet de constater une perte.
Le profit imposable ainsi défini diffère en cela du produit déterminé en retenant la valeur d'inscription des titres en comptabilité, laquelle correspond au nominal de la créance liquide et exigible apportée, et non en retenant la valeur réelle des titres émis.
Remarque : A titre de rappel, la valeur d’inscription en comptabilité des titres de participation, reçus en contrepartie d'un apport, est celle définie par les règles comptables, figurant aux articles 213-1 et suivants du PCG et aux articles 221-1 et suivants du PCG.
Selon la doctrine comptable (Bulletin CNCC n° 131 de septembre 2003, EC 2003-37, p. 496), à leur date d'entrée dans le patrimoine, les titres acquis à titre onéreux sont comptabilisés à leur coût d'acquisition qui correspond au prix d'achat.
Dans le cas d'une souscription à une augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles, le prix d'achat est le montant de la souscription, correspondant à la valeur nominale de la créance.
A. Valeur réelle des titres à l’émission
1. Date d’appréciation de la valeur des titres reçus en contrepartie d’un apport
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La valeur réelle des titres reçus en contrepartie de l'apport doit être appréciée à la date de l'apport et, par conséquent, à la date de l’émission des titres de participation.
2. Appréciation de la valeur réelle des titres reçus en contrepartie d’un apport
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Pour l’application du présent dispositif, la valeur réelle des titres est entendue comme la valeur d’utilité pour l’entreprise.
La valeur réelle des titres est donc identique à celle retenue pour l’évaluation des titres à l’inventaire, définie au BOI-BIC-PVMV-30-20-10-10.
La valeur d’utilité représente ce que l’entreprise accepterait de décaisser si elle devait acquérir ces titres, conformément aux dispositions de l'article 221-3 du PCG.
B. Valeur d'acquisition de la créance
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Le second terme de la différence correspond au montant de l'inscription à l'actif du bilan de la créance utilisée comme moyen de libération des apports et à laquelle se substituent les titres de participation reçus en contrepartie.
Conformément aux dispositions de l'article 213-1 du PCG, la créance est comptabilisée, non à sa valeur nominale, mais à son coût d'acquisition si elle est acquise à titre onéreux, et à sa valeur vénale si elle est acquise à titre gratuit.
C. Retraitement à effectuer
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Les règles comptables et fiscales ne coïncidant pas en raison de l'application du présent dispositif, une déduction extra-comptable doit être réalisée le cas échéant au tableau n° 2058-A-SD du formulaire 2050-LIASSE BIC/IS - REGIME RN (CERFA n° 15949) pour les entreprises soumises au régime réel normal d'imposition, ou au tableau n° 2033-B-SD du formulaire LIASSE BIC/IS - REGIME RSI (CERFA n° 15948) pour les entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition.
Les tableaux n° 2058-A-SD et n° 2033-B-SD sont disponibles en ligne sur le site www.impots.gouv.fr.
Le montant de la déduction extra-comptable correspond à la différence entre, d'une part, le produit comptable constaté dans les écritures de l'entreprise et, d'autre part, le profit imposable tel qu'il résulte du dispositif prévu au VII bis de l'article 209 du CGI.
D. Conséquence de l'existence de liens de dépendance postérieurement à l'apport
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Lorsque des liens de dépendance, au sens du 12 de l'article 39 du CGI, apparaissent entre la société qui a cédé sa créance et la société ayant effectué l'apport ou, sous réserve des précisions apportées au I-D § 65, la société ayant émis les titres, au cours d'une période de douze mois qui suivent la date de l'apport (I-D § 70), le dispositif prévu au VII bis de l'article 209 du CGI ne s'applique pas.
La déduction extra-comptable mentionnée au II-C § 120 doit donc être neutralisée par une réintégration extra-comptable de même montant, qui doit être opérée au tableau n° 2058-A-SD du formulaire 2050-LIASSE BIC/IS - REGIME RN ou au tableau n° 2033-B-SD du formulaire LIASSE BIC/IS - REGIME RSI pour les entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition.
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Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter selon que les liens de dépendance sont établis au cours de la période de douze mois suivant l'apport soit au cours du même exercice que l'apport, soit au cours d'un exercice ultérieur :
- même exercice : la déduction extra-comptable et la réintégration extra-comptable seront en principe portées sur le même état déclaratif. Toutefois, dans cette situation, il sera admis que l'entreprise compense les deux montants et ne procède à aucun retraitement extra-comptable ;
- exercices distincts : les conséquences doivent en être tirées au titre de l'exercice au cours duquel la condition tenant à l'absence de lien de dépendance cesse d'être remplie, au moyen de la réintégration extra-comptable décrite ci-avant.
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Exemple récapitulatif :
Une société A, dont l'exercice comptable coïncide avec l'année civile, souhaite entrer au capital de la société B, en difficulté financière. La société B est dotée d’un capital social de 500 000 € divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 50 €. Par ailleurs, une société C détient sur la société B une créance d'une valeur nominale de 1 500 000 €. Il n'existe aucun lien de dépendance ni entre les sociétés A et C, ni entre les sociétés B et C, au sens du 12 de l'article 39 du CGI.
Le 1er juin N, la société A rachète à la société C sa créance détenue sur B pour un montant de 1 000 €.
A la suite du rachat de créance et afin d'améliorer la situation nette de la société B, la société A souscrit le 1er juillet N à une augmentation de capital de la société de B d'un montant de 1 500 000 € par incorporation de la créance rachetée.
Le capital de la société B est porté de 500 000 € à 2 000 000 €. La société A reçoit 1 500 000 / 50 = 30 000 nouveaux titres d'une valeur nominale unitaire de 50 €. Par hypothèse, lors de l'apport, la valeur réelle unitaire des titres de la société B est de 10 €.
Sur le plan comptable, la société A va constater :
- l’annulation de la créance acquise auprès de la société C et inscrite à son actif pour une valeur de 1 000 € ;
- l’inscription à l'actif du bilan des titres de B pour la valeur nominale de la créance apportée d’un montant de 1 500 000 € ;
- un produit comptable d'un montant de 1 499 000 € correspondant à la différence entre la valeur nominale des titres reçus et la valeur de rachat de la créance.
Sur le plan fiscal, le profit imposable est quant à lui déterminé en tenant compte de la valeur réelle des titres reçus en contrepartie de l'apport réalisé par incorporation de la créance.
Le profit imposable s'élève à (30 000 x 10) - 1 000 = 299 000 €.
La société A doit procéder à une déduction extra-comptable au tableau n° 2058-A-SD du montant résultant de la différence entre le produit comptable enregistré dans ses comptes d'un montant de 1 499 000 € et le produit imposable, d'un montant de 299 000 €, tel qu’il est déterminé en application du présent dispositif.
La déduction extra-comptable à opérer s'élève ainsi à un montant de 1 200 000 €, et doit figurer ligne XG du tableau n° 2058-A-SD au titre de l'exercice N.
Hypothèse complémentaire : établissement de liens de dépendance postérieurement à l'apport.
Par hypothèse, la société C vient à acquérir, en mars N+1, des titres de la société A qui aboutissent à créer entre A et C un lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 du CGI.
Dans ce cas, le dispositif prévu au VII bis de l'article 209 du CGI n'a pas vocation à s'appliquer et il convient de rectifier le profit imposable chez A résultant de l'apport à B de la créance décotée.
La société A doit donc procéder, au titre de l'exercice N+1, à une réintégration extra-comptable ligne WQ du tableau n° 2058-A-SD, d'un montant égal à la déduction extra-comptable réalisée en N soit 1 200 000 €.
III. Articulation avec d'autres dispositifs
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D'une manière générale, les dispositions prévues au VII bis de l'article 209 du CGI s'appliquent lorsqu'une différence existe entre la valeur nominale de la créance liquide et exigible apportée et la valeur réelle des titres reçus en contrepartie de cet apport. Il est rappelé que, dans le cas de l'apport d'une créance liquide et exigible, la valeur nominale de la créance qui a servi à libérer, par compensation, une souscription à une augmentation de capital en numéraire correspond à la valeur d'inscription en comptabilité des titres rémunérant l'apport.
Or, le dispositif prévu au 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI vient précisément limiter la déduction des moins-values résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation reçus en contrepartie d’apport, lorsqu'à la date de leur émission, les titres reçus avaient une valeur réelle inférieure à la valeur d’inscription en comptabilité.
Ces deux dispositifs peuvent donc s'appliquer successivement, tout d'abord lors de l'apport, puis lors de la cession des titres reçus en contrepartie de l'apport, si cette cession intervient moins de deux ans après leur émission.
Un troisième dispositif, prévu au a septies du I de l'article 219 du CGI, est susceptible de s'appliquer si cette cession est réalisée au profit d'une entreprise liée à la société cédante.
A. Articulation avec le 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI
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En application du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI (BOI-BIC-PVMV-30-30-120), la moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'un apport dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité n'est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d'inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission.
Les titres remis en contrepartie d’une augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles soumis au nouveau dispositif du VII bis de l'article 209 du CGI sont également concernés par le dispositif de limitation de la moins-value déductible du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI.
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Exemple :
Suite de l'exemple donné au II-D § 150 : si le 1er juin N+1, la société A cède à une société D les titres qu'elle a reçus en contrepartie de l'apport réalisé un an plus tôt, pour une valeur de 200 000 €, les résultats suivants seront constatés :
- sur le plan comptable, le résultat de cession des titres s'élève à 200 000 - 1 500 000, soit une moins-value de 1 300 000 € ;
- sur le plan fiscal, la moins-value n'est pas déductible des résultats, en application du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI, à hauteur de la différence entre la valeur d'inscription des titres de participation en comptabilité, d'un montant de 1 500 000 € et la valeur réelle des titres lors de leur émission, d'un montant de 30 000 x 10 € = 300 000 €, soit 1 200 000 €.
La moins-value constatée lors de la revente des titres de participation de la société B n'est donc déductible qu'à hauteur de 1 300 000 € - 1 200 000 € = 100 000 €, ce montant correspondant à la perte de valeur subie par les titres postérieurement à l'apport.
B. Application combinée du a septies du I de l'article 219 du CGI et du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI
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Pour l'articulation entre les dispositions du a septies du I de l'article 219 du CGI, qui prévoient un mécanisme de report d’imposition des moins-values de cession de certains titres de participation détenus depuis moins de deux ans, par une société soumise à l’impôt sur les sociétés, lorsqu’il existe des liens de dépendance au sens du 12 de l'article 39 du CGI, entre l’entreprise cédante et l’entreprise cessionnaire, et le 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI, il convient de se reporter au BOI-BIC-PVMV-30-30-120.