SJ - Garantie contre les changements de position de l'administration fiscale - Garantie contre les changements de doctrine - Procédures de rescrit fiscal - Garantie apportée par une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait - Rescrits spécifiques avec l'accord implicite en cas d'absence de réponse de l'administration dans un délai encadré - Rescrit relatif à certains régimes d'amortissements exceptionnels ou à l'exonération d'impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises nouvelles ou implantées en zone franche urbaine
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Afin de permettre aux entreprises de prendre leurs décisions dans de meilleures conditions de sécurité juridique, notamment en matière d'investissements, l'article 12 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a modifié l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales (LPF) pour certaines demandes de prise de position en les assortissant d’un mécanisme d’accord implicite. Les entreprises peuvent ainsi s'assurer auprès de l’administration qu'elles satisfont les conditions pour bénéficier de certains régimes fiscaux, l'administration pouvant alors être engagée par une prise de position implicite si elle ne répond pas dans un délai de 3 mois aux demandes.
I. Champ d'application de la garantie prévue au 2° de l'article L. 80 B du LPF
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Les régimes fiscaux visés au 2° de l’article L. 80 B du LPF sont limitativement énumérés. Son champ d’application est donc restreint et n’a pas de portée générale contrairement au 1° du même article. Cette distinction est à l’origine de la notion de « rescrit spécifique », par opposition à celle de « rescrit général ».
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Deux types de demandes peuvent être présentées au titre du 2° de l’article L. 80 B du LPF :
- celles se rapportant à certains régimes d'amortissements exceptionnels de plein droit ;
- celles se rapportant à l'exonération d'impôt sur les bénéfices prévue en faveur des entreprises qui se créent dans les zones d'aide à finalité régionale par l'article 44 sexies du code général des impôts (CGI) et en faveur des entreprises qui s’implantent en zone franche urbaine (ZFU) par l’article 44 octies A du CGI ou en zone de revitalisation rurale (ZRR) par l'article 44 quindecies du CGI.
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Il n’est pas nécessaire d’invoquer le bénéfice du 2° de l’article L. 80 B du LPF pour bénéficier de ces régimes de faveur.
S’agissant de dispositions qui peuvent s’appliquer de plein droit, aucun accord préalable n’est nécessaire. Le 2° de l'article L. 80 B du LPF permet simplement aux entreprises qui le souhaitent d’interroger, au préalable, l’administration fiscale sur ces dispositifs et de s'assurer qu'elles remplissent bien les conditions légales requises pour en bénéficier.
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Les régimes sur lesquels le contribuable peut actuellement interroger l’administration au titre du 2° de l’article L. 80 B du LPF sont les suivants :
Articles |
Nature de la mesure |
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Amortissement exceptionnel des immeubles affectés à la recherche scientifique ou technique |
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Amortissement exceptionnel de 25 % des constructions nouvelles |
Articles |
Nature de la mesure |
---|---|
Exonération des bénéfices des entreprises nouvelles implantées en zone d’aide à finalité régionale, en ZRR ou en zone de redynamisation urbaine |
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Exonération des bénéfices des entreprises créées ou reprises en ZRR |
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Exonération des bénéfices des entreprises implantées en ZFU |
II. Conditions d'application de la garantie prévue au 2° de l'article L. 80 B du LPF
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Les conditions générales requises pour l’application de la garantie prévue par le 2° de l’article L. 80 B du LPF sont identiques à celles qui doivent être réunies pour que s'appliquent les garanties prévues au premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF et au 1° de l’article L. 80 B du LPF.
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Toutefois, des conditions particulières sont requises afin que le 2° de l’article L. 80 B du LPF trouve à s’appliquer. Elles portent sur la demande de l’entreprise, sur la réponse de l’administration, ainsi que sur la portée de la garantie.
A. Demande de l'entreprise
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La demande ne présente aucun caractère obligatoire. Les entreprises qui estiment satisfaire aux conditions d’application des dispositifs visés au 2° de l’article L. 80 B du LPF peuvent déposer leurs déclarations de résultats et y indiquer le montant des amortissements exceptionnels pratiqués ou le montant de leur bénéfice exonéré.
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Si une entreprise entend bénéficier de la garantie prévue au 2° de l’article L. 80 B du LPF, elle doit en revanche adresser obligatoirement une demande.
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Pour que la garantie instituée par le 2° de l'article L. 80 B du LPF trouve à s'appliquer, la demande de l’entreprise doit répondre à trois conditions :
- être préalable à l'opération en cause ;
- porter exclusivement sur l'un des textes visés au 2° de l'article L. 80 B du LPF ;
- comporter tous les éléments utiles pour apprécier si les conditions requises pour bénéficier du régime fiscal en cause sont satisfaites.
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Si l'une des conditions posées n'est pas satisfaite, la consultation n'entre pas dans le champ d'application du 2° de l’article L. 80 B du LPF et le contribuable concerné ne pourra pas se prévaloir de la garantie instituée par cet article, notamment en l'absence de réponse de l'administration.
1. La demande doit être préalable à l'opération en cause
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La demande de prise de position formelle doit être effectuée préalablement à l'opération en cause. Il convient dès lors d’opérer une distinction selon le régime sollicité :
- si la demande porte sur un régime d'amortissement exceptionnel, elle doit être présentée avant l'acquisition ou l'achèvement de la fabrication ou de la construction de l'immobilisation concernée ;
- si la demande porte sur le régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices des entreprises nouvelles en zone d'aide à finalité régionale (CGI, art. 44 sexies) ou des entreprises créées ou reprises en ZRR (CGI, art. 44 quindecies), elle doit être présentée avant le début de l'activité de l'entreprise, c'est-à-dire en principe avant son inscription au registre du commerce ou des métiers ;
- si la demande porte sur le régime d’exonération prévu pour les entreprises implantées en ZFU (CGI, art. 44 octies A), elle doit être présentée avant l’implantation de l’entreprise dans la ZFU.
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Les demandes postérieures à la réalisation de l'opération concernée peuvent toutefois bénéficier d’une sécurité juridique :
- elles n’entrent pas dans le champ du 2° de l'article L. 80 B du LPF et ne peuvent donc pas bénéficier d’un accord tacite en l’absence de réponse de l’administration dans le délai de trois mois ;
- elles peuvent toujours être examinées sur le fondement du 1° de l’article L. 80 B du LPF sous réserve toutefois que l’entreprise n’ait pas appliqué de plein droit les dispositions du régime concerné par la demande, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas déjà rempli ses obligations déclaratives en considérant sous sa responsabilité qu’elle entrait dans le champ de ce régime. Sur ce fondement, seule une prise de position expresse de l’administration fiscale l’engage alors ;
- lorsque l’entreprise a déjà rempli ses obligations déclaratives en appliquant sous sa responsabilité le régime fiscal en cause, elle peut interroger l’administration dans le cadre d’un contrôle sur demande dans les conditions prévues par l’article L. 13 C du LPF.
2. Objet de la demande
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La demande doit porter exclusivement sur l'un des textes visés au 2° de l’article L. 80 B du LPF. Les demandes portant sur d'autres textes ne peuvent entrer que dans le champ du 1° de l'article L. 80 B du LPF. Seule une réponse expresse peut alors engager l’administration.
3. Forme et contenu de la demande
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La demande doit être écrite et signée par le contribuable lui-même ou par un représentant habilité.
Elle doit en premier lieu préciser les dispositions légales dont le contribuable entend bénéficier. Elle doit ensuite donner une présentation précise, complète et sincère de la situation de fait qui fait l'objet de la demande.
La garantie instituée par le 2° de l’article L. 80 B du LPF ne peut bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi, c'est-à-dire qui mettent l'administration en état de se prononcer en pleine connaissance de cause sur la question posée. À cette fin, la demande doit apporter tous les éléments qui sont nécessaires pour apprécier si le demandeur satisfait les conditions légales requises pour bénéficier du régime fiscal en cause. Un contribuable ne pourra pas se prévaloir de la réponse de l'administration lorsqu'il aura fourni des éléments incomplets ou inexacts.
Les demandes sont à établir sur papier libre conformément au modèle fixé par arrêté du ministre du budget et repris en annexe I à l'arrêté du 25 juillet 1996 pour le dispositif d’amortissement de l’article 39 quinquies D du CGI.
Les modèles de demandes pour les autres dispositifs d’amortissements exceptionnels, pour les dispositions de l'article 44 sexies du CGI (entreprises nouvelles) et pour les dispositions de l'article 44 octies A du CGI (entreprises implantées en ZFU) figurent sur le site impots.gouv.fr à la rubrique "Professionnels > Vos droits > Le rescrit fiscal > Les modèles de demande de rescrits spécifiques".
4. Service auquel doit être adressée la demande
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Les demandes doivent être adressées à la direction dont dépend le service auprès duquel le contribuable est tenu de souscrire ses obligations déclaratives.
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Les dispositions réglementaires prévues par le décret n° 96-677 du 25 juillet 1996 précisent les modalités applicables. Les demandes doivent être adressées par la voie postale, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées auprès de l'administration contre décharge, éléments déterminants pour le décompte du délai de réponse de l’administration.
5. Demande d'éléments complémentaires
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Lorsque la demande ne contient pas tous les éléments nécessaires à son instruction, l'administration invite le contribuable à produire les éléments manquants. La demande d'éléments complémentaires doit être adressée le plus rapidement possible au contribuable, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception.
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Les éléments complémentaires doivent être adressés à l'administration selon les mêmes modalités que la demande initiale, c'est-à-dire par la voie postale en recommandé avec accusé de réception ou par remise directe contre décharge.
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Aucun délai n'est prévu pour la fourniture des éléments complémentaires, mais dans cette situation, le délai de trois mois à l'expiration duquel le silence de l'administration vaut accord tacite ne court qu'à compter de la réception par le service fiscal de la totalité du dossier.
B. Réponse de l'administration
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Dans la situation où l’administration est saisie d’une demande au titre du 2° de l’article L. 80 B du LPF, elle dispose d’un délai de trois mois pour répondre à l’usager.
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À défaut de réponse dans ce délai, l’acceptation de la demande du contribuable est tacite. En effet, le silence gardé par l’administration, à l’issue de ce délai, vaut prise de position implicite opposable.
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Une réponse expresse de l’administration fiscale constitue une prise de position formelle opposable en vertu du 1° de l’article L. 80 B du LPF.
1. Point de départ du délai de trois mois
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Le délai de trois mois commence à courir à compter de la réception de la demande par l'administration.
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Lorsque la demande parvient à un service incompétent, ce service la transmet sans délai au service compétent et en informe l'auteur de la demande. Dans ce cas, le délai prévu au 2° de l’article L. 80 B du LPF court à compter de la date de réception par le service compétent saisi.
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En principe, un contribuable (ou son représentant) de bonne foi, au sens de l'article L. 80 A du LPF et de l'article L. 80 B du LPF, n’a pas à saisir, pour une même demande ou l’application d’une même disposition, plusieurs services différents, d'autant que, dans l’hypothèse d’une erreur du contribuable sur le lieu de dépôt, il appartient à l’administration de transmettre sa demande au service compétent et de l’en informer.
Par conséquent, la saisine par un contribuable (ou son représentant) de plusieurs services, simultanément ou successivement, sans que chacun en soit expressément informé, pourra, en règle générale, être considérée comme abusive, en particulier, s’il est relevé, par exemple, l’absence manifeste de tout fondement à agir ainsi ou le caractère malintentionné d’une telle démarche visant notamment à rechercher la multiplication des prises de position de l’administration sur une même demande. Dans une telle situation, la bonne foi du contribuable, au sens de l'article L. 80 A du LPF et de l'article L. 80 B du LPF, ne pourrait être retenue : sa demande ne pourrait alors recevoir une suite favorable et les réponses obtenues ne seraient pas opposables.
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Par ailleurs, dans l'hypothèse où la demande imprécise ou incomplète ne permet pas à l'administration de se prononcer, le délai au terme duquel, à défaut de réponse expresse, la demande est réputée acceptée, ne court qu'à compter de la réception des pièces requises (cf. II-A-5 § 170 à 190).
2. Point d'arrivée du délai de trois mois
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Le délai de trois mois se calcule de quantième à quantième.
Il commence à courir le jour de la réception de la demande et expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de la réception de la demande. Tout délai expire le dernier jour à minuit.
Exemple : Lorsqu’une demande a été reçue le 10 mai, le délai de trois mois expire le 10 août à minuit.
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À défaut de quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
290
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
III. Étendue de la garantie prévue au 2° de l'article L. 80 B du LPF
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La portée de la garantie dépend de la suite donnée par l'administration, dans le délai de trois mois, à la demande présentée.
A. L'administration a répondu dans le délai de trois mois
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Trois situations peuvent se présenter.
1. La réponse de l'administration est négative
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L'administration ne partage pas les conclusions du contribuable au vu de la situation exposée dans la demande et lui fait connaître son désaccord. Elle prend alors formellement position dans un sens différent de celui envisagé par le contribuable.
320
S'il ne partage pas l'avis de l'administration, le contribuable a la faculté de solliciter un second examen dans les conditions prévues à l'article L. 80 CB du LPF (BOI-SJ-RES-10-30).
330
Il peut aussi décider de passer outre l'avis de l'administration mais s'expose alors à des rehaussements en cas de contrôle.
2. La réponse de l'administration est positive
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La réponse de l'administration vaut prise de position formelle sur la situation de fait de l'entreprise au regard du texte légal en cause. L'administration est engagée par sa réponse dans les conditions prévues à l'article L. 80 A du LPF et au 2° de l'article L. 80 B du LPF et ne saurait exercer son droit de reprise.
3. La réponse de l'administration est positive mais comporte des conditions
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L’administration ne sera engagée par sa réponse que dans la mesure où l’entreprise aura satisfait les conditions qui y sont énoncées.
B. L'administration n'a pas répondu dans le délai de trois mois
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Lorsque la demande porte sur un régime d'amortissement exceptionnel non soumis à agrément ou sur le régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices des entreprises nouvelles, la réponse tacite de l'administration vaut prise de position sur l'appréciation de la situation de fait de l'entreprise au regard du texte légal en cause. Cette réponse fait donc obstacle à la remise en cause du régime fiscal objet de la demande, qui serait fondée sur une appréciation différente.
Bien entendu, le contribuable ne peut opposer la réponse tacite de l'administration que si l'ensemble des conditions requises en matière de garantie contre les changements de doctrine est réuni.
Ainsi, il faut notamment que la situation réelle corresponde à la situation décrite dans la demande.
C. Inopposabilité aux tiers
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La réponse présente un caractère relatif, c'est-à-dire que la garantie ne peut s'appliquer qu'à l'opération objet de la demande. La réponse de l'administration ne saurait bénéficier à une opération analogue, non visée dans la demande. De même, la réponse ne vaut que pour l'entreprise concernée : un contribuable ne saurait opposer la réponse faite à un autre.
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Par ailleurs, lorsque le bénéfice d'un régime fiscal de faveur est subordonné à certaines conditions qui doivent être respectées tout au long de son application, une réponse favorable de l'administration intervenue initialement ne fait pas obstacle à la remise en cause ultérieure dudit régime fiscal dans le cas où l'une des conditions requises ne serait plus respectée. Ainsi, par exemple, en matière d'entreprises nouvelles, si la condition d'effectif minimal requise pour les sociétés exerçant une activité libérale vient à ne plus être respectée, la perte du bénéfice du dispositif est encourue dès l'exercice en cours, alors même que l'entreprise avait obtenu une réponse favorable à la création.