Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Date de fin de publication du BOI : 03/08/2016
Identifiant juridique : BOI-REC-SOLID-10-10-30

Section 3 : REC - Solidarités diverses et actions patrimoniales - Actions contre les dirigeants - Responsabilité pécuniaire civile des dirigeants - Mise en œuvre

1

L'engagement de la procédure de l'article L267 du LPF par le comptable de la DGFIP nécessite une décision de justice destinée à poursuivre le dirigeant en solidarité du paiement de la dette fiscale de la société sur ses biens personnels. C'est à l'issue d'une action devant le président du tribunal de grande instance que le dirigeant peut être déclaré solidairement responsable des dettes fiscales de la personne morale.

La responsabilité solidaire des dirigeants n'est pas de droit, elle doit être prononcée par le juge. Tant qu'il n'est pas condamné en responsabilité solidaire, le dirigeant n'est pas tenu pour débiteur de la dette fiscale de la société. Il est toutefois recevable à réclamer de son propre chef pour contester l'exigibilité de cette dette d'impôt par voie de réclamation d'assiette ou de question préjudicielle (cf §250).

Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne des mesures conservatoires à l'encontre du dirigeant, en vue de préserver la créance du Trésor sur la base du jugement. L'appel est sans effet sur les mesures conservatoires obtenues dès l'assignation du dirigeant.

I. Les conditions préalables à l'engagement de l'action

A. Les délais d'engagement

10

L'exercice de l'action ouverte aux comptables publics par l'article L267 du LPF est possible tant que les poursuites tendant au recouvrement des créances fiscales ne sont pas atteintes par la prescription, telle que fixée par l'article L274 du LPF(Cass.com. 5 décembre 2000, n° 98-11593).

La Cour de cassation a considéré que la notion d'engagement de l'action en responsabilité solidaire dans des délais satisfaisants dont il est fait mention dans une instruction administrative est opposable à l'administration. Elle a estimé que ce délai satisfaisant, nécessairement inférieur au délai de prescription quadriennale courant à l'encontre du redevable légal, devait être apprécié souverainement par les juges du fond, tenus de justifier leur décision par une motivation suffisante. Dans une affaire, il a été relevé que les juges d'appel avaient constaté que l'état d'impécuniosité de la société était établi depuis 1991 et que l'assignation n'avait été délivrée qu'en janvier 1996 (Cass.com. 26 mai 2004, 01-02838).

B. La décision de l'autorité hiérarchique

20

Sur un plan strictement procédural, le comptable public territorialement compétent est seul investi du mandat de représentation de l'État pour exercer l'action en justice, alors même qu'il agit sous l'autorité hiérarchique de ses supérieurs. Ce principe n'est pas remis en cause par la règle prévoyant que l'engagement de la procédure est subordonné à l'autorisation préalable signée du responsable départemental de la DGFIP.

1. L'autorisation d'engager l'action

30

Dans un arrêt du 28 juin 1988 (Cass. Com. 28 juin 1988 n°87-10591), la Cour de cassation a clairement indiqué qu'en application des dispositions de l'article L252 du LPF, qui sont d'ordre public, le comptable public territorialement compétent est personnellement investi d'un mandat de représentation de l'État pour exercer en justice les actions liées au recouvrement de l'impôt.

Il s'ensuit que le Directeur général des finances publiques et le Directeur départemental des finances publiques ne sont pas, en l'absence d'une habilitation légale formelle, recevables à agir en la matière (Cass. com. 5 mai 1981, n° 79-11292 ; 6 mai 1986, n° 84-14966 ; 22 juillet 1986, n° 84-16944).

40

La procédure visée à l'article L267 du LPF relative à la responsabilité des dirigeants sociaux envers le Trésor public ne doit être mise en œuvre que sur décision personnelle du responsable départemental des finances publiques. Cette décision est prise nonobstant les attributions spécifiques éventuellement conférées au comptable public pour suivre les instances. Un exemplaire de la décision en est notifié au comptable et conservé au dossier.

50

La Cour suprême a estimé que sont opposables à l'administration les dispositions de l'instruction subordonnant à une décision de l'autorité hiérarchique l'engagement par le comptable compétent de l'action prévue à l'article L267 du LPF. Cette analyse a été confirmée par un arrêt du 23 novembre 1993,(Cass. Com. n° 92-11138) où il est précisé que la décision hiérarchique prévue par l'instruction constitue une garantie pour les contribuables.

60

Par conséquent, il y a lieu de produire la copie de cette autorisation avec les pièces venant à l'appui de l'assignation. La justification de cette autorisation en cours d'instance est possible jusqu'à la clôture de l'instruction (Cass.civ 1er février 1994, n° 92-11781) selon la procédure de communication à partie prévue à l'article 132 du Code de procédure civile.

70

Le comptable public intervient à l'instance en produisant des conclusions en qualité de "comptable chargé du recouvrement agissant sous l'autorité du Directeur départemental des finances publiques et du Directeur général des finances publiques".

2. L'absence de motivation de l'autorisation hiérarchique

80

L'autorisation préalable n'a pas à être motivée si elle a été prise en connaissance de cause (Cass.com 26 novembre 2003, 01-15324).

Il est normalement satisfait à cette exigence lorsque l'autorisation mentionne qu'elle a été délivrée au vu du projet d'assignation, ce dont il se déduit que la décision a été prise en connaissance de la situation particulière du contribuable (Cass.com. 20 novembre 2001,n°98-17333; Cass.com.18 décembre 2001, n°99-11994 et Cass.com 26 novembre 2003, 01-15324).

C. Les mesures conservatoires

90

Les mesures conservatoires peuvent être demandées avant l'assignation au fond. Le juge compétent pour autoriser la mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur (article 69 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 et article 211 du décret du 31 juillet 1992) (cf. BOI-REC-GAR-20-10-10).

100

L'objectif de cette action d'ordre patrimonial est d'obtenir un titre à l'encontre du dirigeant afin de poursuivre le recouvrement des sommes impayées par la personne morale. Dans ce cadre, le comptable public peut être conduit à prendre des mesures conservatoires à l'encontre du dirigeant.

Les mesures conservatoires consistent à obtenir du juge de l'exécution l'autorisation de prendre des garanties sur les biens du dirigeant sans attendre que la solidarité soit prononcée (article 67 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991).

110

Le comptable public doit démontrer qu'il détient une créance paraissant fondée en son principe et justifier de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. A cette fin, la requête fait référence à l'assignation en cours et démontre que la demande au fond est établie sur des moyens sérieux correspondant aux exigences du texte. Toutefois, le débat sur le fond n'a pas à être anticipé dans le cadre de cette instance.

120

S'agissant des sûretés judiciaires, l'inscription de la publicité définitive doit intervenir dans le délai de deux mois qui court du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée (article 263 du décret du 31 juillet 1992). Une décision rendue par une juridiction civile est passée en force de chose jugée lorsque les voies de recours ordinaires (opposition et appel) sont épuisées.

II. Le déroulement de l'instance

A. L'assignation à jour fixe

130

En vertu de l'article L267, le dirigeant est déclaré responsable " par le président du tribunal de grande instance".

Selon l'article R*267-1 du LPF, la procédure applicable est la procédure à jour fixe prévue aux articles 788 à 792 du Code de procédure civile. Elle nécessite la représentation du comptable par un avocat régulièrement constitué.

Il s'agit d'une procédure d'urgence dont le dispositif est le suivant :

- le demandeur adresse une requête au président du tribunal;

- le président statue par une ordonnance;

- le demandeur fait délivrer une assignation à la personne du dirigeant;

- le demandeur saisit le tribunal par le dépôt de l'assignation;

- au jour fixé, l'affaire est plaidée.

La désignation de son avocat par le demandeur dans le texte de l'assignation équivaut à la formalité de constitution. S'agissant d'une procédure à jour fixe, le défendeur est tenu de constituer avocat avant la date de l'audience (article 790 du Code procédure civile).

1. La demande en justice

140

En pratique, cet avocat, agissant au nom du comptable public, dépose devant le président du tribunal de grande instance une requête tendant à être autorisé à assigner le défendeur à jour fixe. Cette requête doit être accompagnée d'une copie de l'assignation, motivée, à faire délivrer au dirigeant concerné et viser les pièces justificatives. Le comptable public territorialement compétent assigne le dirigeant devant le tribunal de grande instance du siège social ou du siège réel de la personne morale.

150

La formule protocolaire qui devra figurer dans l'assignation en justice et sur la déclaration d'appel éventuelle est la suivante:

« A la requête du comptable des finances publiques de..............agissant sous l'autorité du Directeur départemental des finances publiques et du Directeur général des finances publiques, qui élit domicile en ses bureaux situés (adresse) et en l'étude de Maître (nom et adresse de l'avocat) ».

L'action du comptable est dirigée contre le dirigeant personnellement.

2. L'assignation

160

C'est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge lorsque l'utilisation de la procédure à jour fixe a été autorisée par ordonnance (article 55 Code de procédure civile).

Les mentions obligatoires sont celles des actes d'huissier (article 648 Code de procédure civile) et celles de toute citation en justice (article 55 du Code de procédure civile).

L'assignation à jour fixe indique à peine de nullité les jour et heure fixés par le président, auxquels l'affaire sera appelée ainsi que la chambre à laquelle elle est distribuée. Une copie de la requête est jointe à l'assignation.

L'assignation informe le défendeur qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience celles dont il entend faire état.

B. La phase contradictoire

170

Il s'agit d'une procédure contradictoire comportant un échange de conclusions.

Le dirigeant doit être en mesure de présenter sa défense à l'action engagée par l'administration sur des éléments de preuves soumis à contradiction.

1. Les principales exceptions de procédure

a. La prescription

180

Dans de nombreuses espèces, les dirigeants concernés ont tenté d'opposer au comptable une prescription qui leur aurait été propre, distincte du délai général de recouvrement. D'autres ont discuté la prescription de la créance à l'égard du débiteur principal, soit dans le cas d'une procédure de faillite, soit en mettant en cause la valeur interruptive de prescription de l'assignation dirigée contre le représentant légal de la société.

190

Une imposition qui n'est pas prescrite à l'égard de la société redevable principale ne l'est pas davantage à l'égard du débiteur solidaire. Aucun délai de prescription particulier ne s'attache à l'article L267du LPF et la mise en œuvre de la procédure qu'il prévoit s'intègre dans le cadre plus large de l'action en recouvrement exercée par les comptables publics à l'encontre de la société. Ce délai peut être interrompu dans les conditions visées aux articles L274 et suivants du LPF.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement telle que prévue à l'article L274 du Livre des procédures fiscales peut être examinée par le juge du fond (Cass.com. 16 novembre 1999, n°96-18570).

200

La notification au dirigeant des mesures conservatoires prises sur son patrimoine n'a pas d'effet interruptif de prescription à l'encontre de la société redevable principale, dès lors que la responsabilité solidaire n'a pas été encore prononcée par le juge (Cass.com. 31 octobre 2006, n°04-15720 et 04-15497)

210

Le jugement de première instance établissant le principe de solidarité, même frappé d'appel, constitue un acte interruptif de prescription à l'égard de la société redevable légale (Cass.com. 8 juillet 1997, 95-16757).

Au contraire, l'effet suspensif de l'appel ne peut avoir pour conséquence de transformer un jugement défavorable en acte interruptif ou suspensif puisqu'il a rejeté l'assignation qui n'avait elle-même aucun effet sur la prescription.

b. La contestation d'assiette

1° La réclamation d'assiette régulièrement formée par le redevable légal de l'impôt (la société)

220

Il appartient au juge saisi d'une action fondée sur l'article L267 du LPF d'examiner l'opportunité d'un sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge de l'impôt, dès lors que l'issue du litige sur le bien-fondé ou la régularité de l'imposition peut avoir une influence sur la responsabilité encourue par le dirigeant.

En l'absence d'un tel contentieux, les juges civils ne peuvent que se prononcer dans le cadre strict de leur compétence, au vu des titres exécutoires qui s'imposent à eux.

2° La réclamation d'assiette formée par le dirigeant

230

Dans la mesure où le dirigeant condamné a la qualité de débiteur solidaire de la dette fiscale, il peut opposer à l'Administration, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs (art. 1208 du Code civil).

En vertu de ce principe, la Cour de cassation a autorisé un dirigeant poursuivi sur le fondement de l'article L267 à faire examiner, fût-ce par renvoi préjudiciel devant la juridiction compétente, le bien-fondé ou la régularité de l'établissement des créances fiscales visées dans la demande du comptable public (Cass. com. 25 mars 1991, n° 88-20162 ; 17 décembre 1991, n° 90-12653).

240

Dans ce cas, il appartient en principe au juge civil de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue du litige sur cette question préjudicielle. Le juge n'ayant pas la faculté de saisir directement la juridiction administrative (Cass. civ. 21 mai 1986, n° 85-11838), le dirigeant est tenu de respecter les règles de procédure fiscale, notamment la phase administrative préalable devant le Directeur départemental des finances publiques.

3° La recevabilité de l'exception invoquée en cours d'instance par le dirigeant poursuivi

250

Au sens du droit fiscal et de la jurisprudence administrative rendue en la matière, le dirigeant social n'a qualité pour déposer une réclamation, à titre personnel, qu'à compter du jour où il est déclaré débiteur solidaire par une décision de justice, le jugement rendu constituant un titre exécutoire (art. R*197-4 du LPF).

260

Toutefois, la Cour de cassation considère que le dirigeant poursuivi, même s'il n'est pas encore condamné par une décision du tribunal de grande instance, peut dès l'origine contester l'existence et le montant de la dette fiscale (Cass.com. 11 mars 2003, n°00-15604; Cass.com 3 mars 2004, n°01-12882, n°02-14882 et n°02-17372,).

Ce dirigeant peut demander le renvoi préjudiciel devant le juge de l'impôt. La procédure de renvoi préjudiciel s'effectue par saisine de la juridiction compétente pour connaître de la question préjudicielle. Elle dispense donc le dirigeant poursuivi de se conformer à l'obligation d'une réclamation préalable devant le responsable départemental des finances publiques.

270

Le juge auquel est opposée une exception de procédure fondée sur une question préjudicielle n'est tenu de surseoir à statuer que si cette exception présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution peut avoir une influence sur le litige (Cass.com. 25 avril 2001, n°98-12244).

III. La décision de justice et ses conséquences

A. La notification

280

L'exécution de la décision de justice ne peut intervenir qu'après sa signification et à l'expiration du délai prévu pour exercer les voies de recours. Le délai d'appel est d'un mois à compter de la notification du jugement (art. 538 Code de procédure civile) ; ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie.

290

En dépit de la procédure judiciaire qui a permis son prononcé, la décision n'opère pas novation de la créance qui reste de nature fiscale. En effet, le juge se borne à prononcer la solidarité au paiement des impositions dues par la société et déjà authentifiées à l'encontre de cette dernière par des titres exécutoires délivrés par l'administration elle-même (avis de mise en recouvrement ou rôle supplémentaire).

La Cour de cassation a ainsi estimé que « la décision judiciaire, exécutoire, qui déclare un dirigeant de société solidairement responsable avec celle-ci du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière, seule redevable au sens de l'article L256 du Livre des procédures fiscales, constitue un titre exécutoire suffisant pour fonder l'action du comptable public à l'égard de ce dirigeant » (Cass.com. 20 novembre 2001, 98-22648).

Le comptable de la DGFIP fait signifier au dirigeant la décision de justice. L'engagement des poursuites est possible à l'expiration du délai imparti après l'envoi d'une mise en demeure de payer, au sens fiscal.

B. Les effets de la solidarité

1. A l'égard des codébiteurs

300

La solidarité instituée par l'article L267 du LPF est ''parfaite'', les codébiteurs étant dans la même situation juridique à l'égard du créancier: le ou les dirigeants qui ont été déclarés solidairement responsables, avec la société, deviennent débiteurs directs des droits et pénalités au même titre que la société elle-même (article 1200 du Code civil).

310

Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation : « attendu que la solidarité entre la société et son dirigeant résultant de la mise en œuvre des dispositions de l'article L267 du Livre des procédures fiscales oblige ceux-ci à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère l'autre envers le créancier »(Cass.com. 23 juin 2004, n° 01-11821).

320

La condamnation en responsabilité solidaire emporte les conséquences suivantes:

  • la créance n'étant pas divisible, le comptable public peut réclamer l'intégralité de la créance au débiteur de son choix ;

  • le paiement fait par l'un des codébiteurs libère les autres. Toutefois, en exerçant son action contre l'un d'eux, le comptable public ne renonce pas pour autant à agir contre les autres ;

  • la prescription interrompue par le créancier à l'égard de l'un des codébiteurs se trouve interrompue à l'égard de tous ;

  • le codébiteur poursuivi peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs (article 1208 du Code civil). Cela étant, la Cour de cassation autorise d'ores et déjà à un dirigeant assigné, même s'il n'est pas encore condamné en responsabilité solidaire, à contester la procédure d'établissement ou le bien-fondé des impositions visées dans la demande du comptable public (cf supra n° 230).

330

Le ou les dirigeants qui ont été déclarés solidairement responsables, avec la société, deviennent débiteurs directs des droits et des pénalités au même titre que la société elle-même. En effet, ils sont engagés "à une même chose" (article 1200 du Code civil).

La solidarité instituée par l'article L267du LPF a le caractère d'une solidarité "parfaite". Elle n'écarte pas les effets accessoires de la solidarité, issue du principe de représentation mutuelle des codébiteurs.

La créance n'étant pas divisible, le comptable public chargé du recouvrement est en droit de réclamer le tout au débiteur de son choix sans que ce dernier puisse opposer le bénéfice de la division (article 1203 du Code civil) ; le juge n'a d'ailleurs pas le pouvoir d'établir un partage entre les personnes concernées. Le créancier évite ainsi de supporter les conséquences de l'insolvabilité de l'un des codébiteurs.

Le paiement fait par l'un des codébiteurs libère les autres (article 1200 du Code civil). En effet, le créancier ne peut réclamer plus que le montant de la dette. Toutefois, en exerçant son action contre l'un deux, le comptable ne renonce pas pour autant à agir contre les autres et n'épuise pas ses droits (article 1204 du Code civil).

2. En matière de prescription de la créance

340

La prescription interrompue par le créancier à l'égard de l'un des codébiteurs se trouve interrompue à l'égard de tous (articles 1206 et 2249 du Code civil).

Ce principe concerne tous les actes ou événements à caractère interruptif : mesures de poursuites, reconnaissance de dette ou paiements, production ou déclaration au passif d'une procédure collective.

350

Par ailleurs, l'article 71 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution dispose que la notification au débiteur de l'exécution d'une mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de la mesure, qu'il s'agisse d'une saisie sur biens mobiliers, corporels ou incorporels, ou d'une sûreté judiciaire (articles 74 et 77 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée).

Dès lors, tout acte conservatoire délivré à l'encontre d'un codébiteur aura pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des autres coobligés.

En revanche, l'impossibilité d'agir résultant de la suspension des poursuites provoquée par la situation particulière d'un débiteur ne profite qu'à celui-ci dès lors qu'il s'agit d'une exception purement personnelle n'affectant que le droit de poursuite à l'encontre du débiteur et non l'existence ou l'étendue de la créance (article 1208 2ème alinéa du Code civil).

C'est pourquoi, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société redevable légale, l'effet suspensif de prescription qui en résulte ne s'applique pas au dirigeant qui a été condamné par une décision de justice définitive et exécutoire avant la clôture des opérations de liquidation de la société.

3. Les suites de la mise en œuvre de la solidarité

a. Le contentieux

360

Le dirigeant peut engager un contentieux par voie d'opposition à l'acte de poursuite délivré contre lui, conformément aux articles L281, R* 281-1 et suivants du LPF.

La contestation portera soit sur la régularité en la forme de l'acte, soit sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette de l'impôt.

Bien entendu, le débiteur solidaire ne peut remettre en cause le principe ou l'étendue de sa solidarité, points sur lesquels le juge civil s'est définitivement prononcé.

Il a la possibilité, en revanche, de critiquer les conséquences que l'administration tire de la décision du juge quant au recouvrement de l'impôt ; par exemple, une méconnaissance des limites de l'obligation résultant du jugement, l'existence de paiements déjà effectués, l'obtention du sursis de paiement en vertu d'une réclamation d'assiette, la prescription de l'action en recouvrement.

370

Un dirigeant condamné ne peut se pourvoir en cassation sans avoir au préalable commencé d'exécuter la décision de justice en procédant au paiement des sommes exigibles au titre de la solidarité.

b. Le privilège du Trésor et les garanties du recouvrement

380

Du fait même qu'il devient débiteur direct au même titre que le redevable légal, le dirigeant condamné voit ses biens meubles grevés du privilège du Trésor (cf BOI-REC-GAR-10-10-20).

Ses immeubles peuvent également être grevés de l'hypothèque légale du Trésor (article 1929 ter du CGI) (cf. BOI-REC-GAR-10-20-20).

Lorsque cette dernière ne peut être requise, notamment à la suite d'un jugement de condamnation qui n'a pas acquis force de chose jugée (article 500 du Code de procédure civile), le comptable public a toujours la possibilité d'inscrire l'hypothèque judiciaire qui découle de plein droit d'une décision de justice même frappée d'appel (article 2412 du Code civil, cf. BOI-REC-GAR-10-20-10-20).

L'hypothèque judiciaire prend rang au jour de son inscription. Elle ne doit pas être confondue avec l'hypothèque provisoire conservatoire inscrite en application des articles 67 et 77 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution).

400

Le prononcé du jugement statuant au fond entraîne nécessairement des conséquences sur les mesures conservatoires qui ont été prises antérieurement sur le patrimoine du dirigeant social en vue de garantir la créance fiscale.

Dans les cas où la décision a acquis force de chose jugée, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, il appartient au comptable public de reprendre les poursuites en veillant à l'exécution des saisies antérieures prises à titre conservatoire ou en procédant à l'inscription définitive des hypothèques provisoires.

L'inscription définitive doit impérativement intervenir dans les deux mois à compter du jour où la décision statuant au fond a force de chose jugée, sur présentation de la grosse de cette décision. Elle se substitue alors à l'inscription provisoire et prend rang rétroactivement à la date d'inscription de celle-ci.

410

Dans le cas où le dirigeant condamné a interjeté appel de la décision de première instance, le comptable public peut continuer à prendre des garanties sur son patrimoine.

En effet, conformément à l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, tout créancier est habilité, sans autorisation préalable du juge de l'exécution, à prendre des mesures conservatoires lorsqu'il se prévaut d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.

c. Les poursuites en cas de procédure collective

420

Les poursuites résultant de l'exécution de la décision de justice devenue définitive doivent être entreprises avant l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement, prévu par l'article L 274 du Livre des procédures fiscales.

Celui-ci court à compter de la date à laquelle le jugement ou l'arrêt a acquis force de chose jugée, c'est-à-dire, s'agissant du jugement, à l'expiration du délai de recours ordinaire si ce dernier n'a pas été exercé.

Dans cette hypothèse, l'existence d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la personne morale, redevable légale de l'impôt, n'a aucun effet suspensif à l'égard du délai de l'action en recouvrement contre le dirigeant).

430

La situation est différente si le débiteur solidaire est lui-même placé sous le régime d'un redressement judiciaire.

Dès lors que le jugement de condamnation est devenu exécutoire avant l'ouverture de la procédure collective, la créance de solidarité doit être déclarée à titre définitif comme une créance normale contre le dirigeant.

Si la décision de justice n'est pas en état d'être exécutée (jugement non rendu ou frappé d'appel), les dispositions des articles L622-21 et L622-22 du Code de commerce trouvent à s'appliquer. La créance de solidarité sera déclarée à titre provisionnel dans l'attente de sa confirmation par le juge.

440

Par ailleurs, les juges qui prononcent la condamnation ne sont pas habilités à accorder des délais pour le règlement des sommes mises à la charge du dirigeant, en vertu du principe de la séparation des fonctions administrative et judiciaire interdisant aux magistrats de l'ordre judiciaire d'entraver les mesures de recouvrement exercées par l'administration fiscale. En revanche, le dirigeant condamné peut solliciter directement de tels délais auprès du comptable public chargé du recouvrement.

Le dirigeant débiteur solidaire de l'imposition due par la société peut demander à être déchargé de sa responsabilité dans le cadre d'un recours gracieux en application de l'article L 247-3° du LPF.