INT - Dispositions communes - Droit conventionnel - Assistance entre États
1
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales peut s'avérer efficace lorsqu'elle s'appuie sur la mise en place d'une coopération étroite entre États, notamment par la voie de l'échange de renseignements en matière fiscale pour établir ou recouvrer l'impôt et de contrôles coordonnés réalisés en collaboration avec des administrations fiscales étrangères.
A ce titre, le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune prévoit une clause d'échange de renseignements (article 26) et une clause d'assistance au recouvrement (article 27) dont s'inspirent largement les conventions fiscales conclues par la France (cf. BOI-ANNX-000306) .De même, la France a conclu un certain nombre d'accords d'échange de renseignements inspirés du Modèle d'accord sur l'échange de renseignements en matière fiscale élaboré par l’OCDE en 2002 (cf. BOI-ANNX-000307)
10
Dans le contexte international où la transparence et l'échange d'informations fiscales se sont révélées être la contrepartie indispensable à la mondialisation, la France a fait de la lutte contre l'évasion fiscale internationale un axe majeur de sa politique conventionnelle.
20
Le présent chapitre a pour objet de présenter les clauses conventionnelles prévoyant une assistance entre États, telles que proposées par le Modèle de convention fiscale de l'OCDE.
I. L'échange de renseignements
A. Champ d'application
L'article relatif à l'échange de renseignements a pour objet de mettre en place un cadre de coopération entre les administrations fiscales des deux États contractants.
30
Les autorités compétentes des États contractants doivent échanger les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour appliquer correctement les dispositions de la Convention et celles de la législation interne des États.
La «norme de « pertinence vraisemblable » a pour but d'assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible tout en indiquant clairement qu'il n'est pas loisible aux Etats contractants d'aller « à la pêche aux renseignements » ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu'ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d'un contribuable déterminé ».
B. Modalités d'utilisation des renseignements
40
Les échanges de renseignement doivent respecter le principe de confidentialité. Chaque Etat contractant doit en effet être assuré que l’autre État contractant considérera comme confidentiels les renseignements qu’il aura reçus du fait de leur coopération. Les renseignements communiqués ne doivent être transmis qu’aux personnes et autorités concernées par l’établissement ou le recouvrement de l’impôt.
50
Le sujet relatif à la communication au contribuable des renseignements obtenus de l'autorité fiscale étrangère est commenté dans la série CF (BOI-CF-PGR-10-60).
60
L'incidence d'une demande d'assistance administrative sur la procédure de contrôle engagée à l'égard d'un contribuable, notamment au regard du délai de reprise, est étudiée dans la série CF (BOI-CF-PGR-10-60).
C. Limites et obligations
70
Certaines limitations à l’échange de renseignements sont posées au profit de l’État requis. Ainsi, lorsqu’il communique des renseignements à l’autre État contractant, l'État requis n’est pas tenu d’aller au-delà des limites prescrites par sa législation interne et par sa pratique administrative. De même, un État n’a pas l’obligation de fournir à l'État requérant des informations qui révèleraient un secret commercial ou industriel.
80
L'Etat requis est soumis à l’obligation d’échanger des renseignements y compris dans les cas où il n’a pas besoin des renseignements demandés pour l’application de sa propre législation fiscale.
90
Enfin, les États contractants n'ont pas le droit de refuser d’échanger des renseignements au motif que ces derniers seraient détenus par des banques ou autres établissements financiers ou par des mandataires, agents et fiduciaires.
D. Forme de l'échange de renseignements
100
Cet échange de renseignements peut s'effectuer de trois façons :
- sur demande, dans le cadre d'un cas précis, après avoir utilisé préalablement les renseignements disponibles au travers des procédures fiscales internes ;
- automatiquement, lorsque des renseignements sont transmis systématiquement à l'autre État, par exemple sur certaines catégories de revenus ayant leur source dans un État et encaissés dans l'autre État contractant ;
- spontanément, lorsqu'un État prend l'initiative de communiquer un renseignement qui pourrait s'avérer utile pour l'autre État contractant.
Ces trois méthodes peuvent être combinées et les États sont libres de déterminer d'autres techniques de renseignements pertinentes, telles que des contrôles fiscaux simultanés, des contrôles fiscaux à l'étranger ou des échanges de renseignements portant sur l'ensemble d'un secteur d'activité économique.
II. L'assistance au recouvrement
110
L'assistance au recouvrement constitue un moyen efficace pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales internationales dans l'hypothèse où un contribuable a cherché à organiser son insolvabilité. En effet, les autorités fiscales d'un Etat ne sont en général pas habilitées à engager une action en recouvrement des impôts à l'extérieur de leurs frontières.
Cette assistance peut se fonder sur différents instruments juridiques tels que :
- des conventions fiscales bilatérales ;
- des conventions bilatérales sur l'assistance mutuelle au recouvrement des créances fiscales ;
- des conventions multilatérales conçues spécialement pour assurer une assistance administrative en matière fiscale, telle la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, élaborée par le Conseil de l'Europe et l'OCDE ( la France a ainsi signé le 17 septembre 2003 la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale élaborée conjointement par le Conseil de l'Europe (approbation du 6 avril 1987) et l'OCDE (approbation du 25 janvier 1988) et son protocole qui permet l'assistance au recouvrement ) ;
- au sein de l'Union européenne, des directives spécifiques à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales, telle par exemple la directive 2010/24UE du Conseil du 16 mars 2010.
A. Champ d'application
120
La notion de « créance fiscale » qui désigne en principe « une somme due au titre d'impôts couverts par la convention ainsi que les intérêts, les pénalités administratives correspondantes et les coûts de recouvrement ou de conservation liés à ces sommes ».
La clause n'est en principe pas limitée aux personnes visées par la convention.
130
A la demande de l'État requérant, l'État requis procède au recouvrement des créances fiscales du premier État comme s'il s'agissait de ses propres créances fiscales.
Ainsi, la créance étrangère doit être exécutée et recouvrée, conformément aux lois de l'État requis comme si la demande émanait de cet État.
En revanche, la question de l'existence de la créance et de l'instrument permettant son recouvrement demeure exclusivement régie par la législation de l'État requérant. Par conséquent, les actions intentées contre l'existence, la validité ou les montants de la créance doivent être intentées devant les tribunaux ou organes administratifs de l'État requérant.
Un État peut demander à un autre Etat d'adopter des mesures conservatoires avant même que soit apparue la créance pouvant nécessiter une assistance au recouvrement.
B. Obligations et garanties
140
Plusieurs conditions doivent être remplies avant qu'une demande d'assistance au recouvrement puisse être formulée :
- la créance doit pouvoir être recouvrée en vertu de la législation de l'État requérant et ;
- la créance doit être due par une personne qui ne peut, au moment de la demande d'assistance au recouvrement, en vertu des lois de l'État requérant, en empêcher le recouvrement (recours administratifs ou judiciaires suspendant l'action en recouvrement).
Les États peuvent cependant prévoir une clause permettant de mettre en œuvre l'assistance au recouvrement nonobstant l'existence de voies de recours.
150
La question du délai de prescription, c'est-à-dire la date au-delà de laquelle la créance ne peut plus être exigée ou recouvrée, est exclusivement régie par la législation de l'État requérant. En effet, l'État requis fournit une assistance pour le recouvrement d'une créance qui a pris naissance dans le système juridique de l'État requérant, lequel régit sa création et son extinction.
160
Si les conditions qui étaient réunies au moment où une demande d'assistance au recouvrement (ou de mesures conservatoires) a été faite cessent de s'appliquer, l'État requérant à l'obligation d'en informer l'État requis par notification. Ce dernier peut alors demander la suspension de la demande (jusqu'à information de l'État requérant que les conditions de la demande sont à nouveau réunies) ou son retrait pur et simple.
170
Cette obligation d'assurer le recouvrement d'une créance fiscale à la demande de l'autre État peut être levée dans certaines situations.
Ainsi, l'Etat qui reçoit une demande d'assistance au recouvrement peut refuser d'apporter son assistance si celle-ci l'oblige à :
- prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l'autre Etat contractant (principe de réciprocité sous-jacent) ;
- prendre des mesures contraires à l'ordre public (caractère confiscatoire de l'imposition de l'Etat requérant, par exemple) ;
- prêter assistance si l'autre Etat contractant n'a pas pris toutes les mesures raisonnables de recouvrement ou de conservation, selon les cas, qui sont disponibles en vertu de sa législation ou de sa pratique administrative ;
- prêter assistance dans les cas où la charge administrative qui en résulte pour cet Etat est nettement disproportionnée par rapport aux avantages qui peuvent en êtres tirés par l'autre Etat contractant.
180
Les règles de confidentialité prévues en matière de d'échange de renseignements (cf. paragraphes n°40 et suivants du présent Chapitre) s'appliquent à l'échange de renseignements aux fins de mise en œuvre de l'assistance au recouvrement. Tout renseignement, tant contenu dans la demande que fourni dans la réponse à celle-ci, échangé aux fins de l'assistance au recouvrement est donc confidentiel et ne peut être communiqué qu'aux personnes ou autorités concernées par l'établissement et le recouvrement des impôts visés par l'assistance ainsi que les procédures y afférentes. Ces renseignements ne peuvent être utilisés qu'à ces fins.
C. Formes de l'assistance au recouvrement
190
La forme que peut prendre l'assistance au recouvrement des créances fiscales n'est pas fixée. Cela étant, les États, pour s'assurer de son efficacité, peuvent mettre en place, par le biais de mémorandum ou d'accord, des procédures relatives aux aspects opérationnels de cette assistance.