INT - Convention fiscale entre la France et la principauté de Monaco - Imposition des revenus des entreprises et des sociétés
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L’article 1er de la convention fiscale entre la France et la principauté de Monaco signée le 18 mai 1963 prévoit que la principauté de Monaco institue, à compter du 1er janvier 1963, un impôt sur les bénéfices (ISB) réalisés par certaines entreprises et sociétés établies à Monaco. Cet impôt a été instauré par l’ordonnance souveraine n° 3.152 du 19 mars 1964 (Journal de Monaco du 27 mars 1964).
L’application de l’ISB monégasque aux entreprises qui y sont assujetties est susceptible d’avoir une incidence sur les modalités d’imposition en France des opérations réalisées par ces entreprises. Aussi paraît-il nécessaire d'en préciser synthétiquement le champ d'application et les règles d'assiette.
I. Entreprises imposables
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Le champ d’application personnel de l’ISB ne s’étend pas à toutes les sociétés ou entreprises exerçant des activités sur le territoire de la principauté. Seule une partie d’entre elles, à raison de la nature de leurs activités, et sous certaines conditions, sont assujetties à cet impôt.
Conformément à l’article 2 de la convention fiscale, deux catégories d’entreprises entrent dans le champ d’application de l’ISB monégasque.
A. Entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale
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Sont assujetties à cet impôt les entreprises qui, quelle que soit leur forme, exercent à Monaco une activité industrielle et commerciale et dont 25 % au moins du chiffre d’affaires provient d’opérations réalisées directement, ou par personnes interposées, en dehors du territoire de la principauté.
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D’une manière générale, c’est l’exercice d’actes de commerce par une personne dans le cadre de sa profession habituelle qui caractérise une activité commerciale.
La forme sociale de l’entreprise qui entre dans le champ d’application de l’ISB à raison de l’exercice d’activités commerciales et industrielles est indifférente. Il peut notamment s’agir de l’une des formes prévues par le code de commerce monégasque dans son article 26, à savoir la société en nom collectif, la société en commandite ou la société par actions.
De même, peuvent entrer dans le champ d’application de l’ISB monégasque les sociétés, les entreprises individuelles et les succursales d’entreprises étrangères satisfaisant à la condition relative à la nature de leur activité sur le territoire de la principauté.
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Pour la détermination du chiffre d’affaires réalisé hors du territoire de la principauté, il y a lieu de tenir compte des opérations directement réalisées par l’entreprise ainsi que de celles réalisées hors de Monaco par personne interposée.
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Le critère déterminant pour la localisation du chiffre d’affaires de l’entreprise établie à Monaco n’est pas celui du lieu de la livraison des produits, mais celui de leur destination. Aussi convient-il de rattacher au chiffre d’affaires réalisé hors du territoire monégasque les ventes de produits fabriqués à Monaco à une personne qui les livre en l’état hors de la principauté.
En cas de doute sur la notion de chiffre d’affaires réalisé sur le territoire monégasque, il convient de se référer au paragraphe I du protocole de signature annexé à la convention fiscale.
Si elles remplissent les conditions posées pour l’application de l’ISB à Monaco, les sociétés voient la totalité de leurs bénéfices soumise à cet impôt, sous réserve des règles de territorialité exposées au II-A § 90 et II-B §100.
B. Sociétés percevant certains produits provenant de la propriété industrielle ou littéraire ou artistique
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Sont également soumises à l’ISB les sociétés dont l’activité consiste à percevoir des produits de la propriété industrielle, littéraire ou artistique.
Entrent dans cette catégorie d’entreprises celles qui revêtent la forme d’une société, de quelque nature que ce soit, et dont l’activité exercée à Monaco consiste à percevoir :
- des produits provenant de la cession ou de la concession de brevets, marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication ;
- des produits de droits de propriété littéraire ou artistique.
II. Territorialité
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Sous réserve des dispositions des articles 3, 4 et 8 de la convention fiscale, l’ISB est établi et recouvré à Monaco dans les mêmes conditions que l’impôt sur les sociétés français. Les entreprises qui relèvent de l’ISB à Monaco sont donc, en principe, soumises à des obligations déclaratives comparables à celles prévues en matière d’impôt sur les sociétés en France.
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La convention fiscale ne prévoit pas de dérogation au principe de territorialité posé par l’article 209 du code général des impôts (CGI).
Dans le cadre des commissions mixtes qui se sont tenues en 1967 et 1985, il a été décidé qu'un critère unique de territorialité des bénéfices des sociétés serait retenu : celui de l'établissement stable.
A. Substitution du critère de l'établissement stable aux critères de droit interne
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A la suite de la décision prise lors de la commission mixte des 31 mai et 1er juin 1967, les bénéfices constatés par les entreprises ou sociétés monégasques à raison d’un établissement stable qu’elles possèdent en France échappent, à raison des bénéfices réalisés par cet établissement stable, à l’ISB à Monaco. De la même manière, les bénéfices constatés par des entreprises ou sociétés françaises à raison d’un établissement stable qu’elles possèdent à Monaco échappent à due concurrence à l’impôt sur les sociétés en France.
B. Notion d'établissement stable au sens de la convention type OCDE
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Pour apprécier l’existence d’un établissement stable, il a été convenu, dans le cadre de la commission mixte franco-monégasque du 18 janvier 1985, de faire application des critères définis à l’article 5 du modèle de convention de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (II-A § 20 et suivants du BOI-INT-DG-20-20-10).
III. Modalités particulières de détermination de l’assiette imposable
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La convention fiscale contient des règles d’assiette spécifiques applicables aux entreprises ou sociétés établies dans l’un des deux États signataires à raison de certains versements faits à destination de bénéficiaires établis ou résidents de l’autre État.
Ainsi, certaines charges ne sont admises en déduction du bénéfice imposable que sous réserve du respect des conditions posées aux articles 3 et 4 de la convention fiscale.
A. Plafonnement des rémunérations déductibles
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Conformément au paragraphe 1 de l’article 3 de la convention fiscale, la rémunération du dirigeant ou du cadre le mieux rétribué d'une entreprise soumise à l'ISB n’est admise en déduction des bénéfices imposables qu’à condition de correspondre à un travail effectif et de ne pas être excessive au regard des pratiques reconnues sur le plan international, notamment dans l’Union européenne.
Ce montant peut être majoré dans la limite de 15 % pour tenir compte forfaitairement des frais supportés personnellement par l'intéressé à l'occasion de ses fonctions.
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Dans la pratique, l’avenant du 26 mai 2003 prévoit la fixation annuelle des plafonds de déduction par voie d’ordonnance souveraine, après concertation avec les autorités françaises. Les montants déductibles varient en fonction du chiffre d’affaires des entreprises concernées.
La rémunération versée aux autres dirigeants ou cadres est plafonnée à 75 % de la déduction autorisée au titre de la rémunération et des frais forfaitaires engagés pour le dirigeant ou le cadre le mieux rétribué.
Pour l’application de ce dispositif, il y a lieu de se référer aux définitions de la notion de dirigeant et de cadre telles que données par le paragraphe 3 de l’article 3 de la convention fiscale.
B. Versements faits par une entreprise française à des personnes établies à Monaco
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Les articles 4 et 8 de la convention fiscale fixent les conditions de déductibilité des versements à des personnes résidant ou établies à Monaco à titre d’honoraires, de redevances, de courtages et de commissions n’ayant pas le caractère de salaires, ainsi que de droits de propriété littéraire ou artistique.
Lorsque ces versements sont effectués par des personnes physiques ou morales imposables en France, leur déduction des bénéfices imposables en France est subordonnée à la condition que la partie versante apporte des justifications suffisantes pour établir que l’acte ou l’engagement en vertu duquel ils sont effectués est sincère et justifie qu’il ne dissimule pas la réalisation d’un transfert de bénéfices (article 8 de la convention fiscale).
Lorsque ces versements sont effectués par des entreprises monégasques, la déduction de ces versements est, en outre, subordonnée à l'absence de lien de dépendance entre le bénéficiaire monégasque et l'entreprise versante (article 4 de la convention fiscale).
C. Rectification des résultats réalisés par les entreprises d’un État signataire qui entretiennent des relations commerciales ou financières avec une entité établie dans l’autre État
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L’article 9 de la convention fiscale permet aux administrations fiscales des deux États de procéder, en vue du rétablissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, sur les sociétés ou sur les bénéfices, à la rectification des opérations d’une entreprise française ou monégasque lorsque les relations qu’elle entretient avec toute personne physique ou morale résidant à Monaco ou en France ne peuvent être considérées comme normales.
Il en est ainsi notamment lorsqu'une partie versante établie en France consent ou impose à une entreprise bénéficiaire établie à Monaco des versements, au capital ou à la gestion de laquelle elle participe, des conditions différentes de celles résultant du jeu normal du marché.
Pour la mise en œuvre de cette clause, il y a lieu de se référer aux principes habituellement applicables en matière de prix de transfert.
IV. Modalités d'élimination de la double imposition
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La convention fiscale comprend des mesures tendant à éviter les doubles impositions susceptibles de résulter, soit des prélèvements à la source sur certains revenus, soit de la réalisation d’opérations imposables à Monaco par des personnes physiques résidentes de France et qui, à ce titre, y sont assujetties à l’impôt sur le revenu.
A. Élimination de la double imposition des revenus de source française
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L’article 10 de la convention fiscale stipule que les retenues à la source prélevées en France sur les revenus de valeurs mobilières et produits de la propriété industrielle, littéraire et artistique de source française que reçoivent les entreprises établies à Monaco ouvrent droit, sur justification, à une imputation sur le montant de l’ISB dû à Monaco au titre de ces revenus.
Il en est de même, conformément aux stipulations du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale, de l’impôt appliqué, le cas échéant, aux intérêts de créances hypothécaires grevant des immeubles situés sur le territoire français perçus par des entreprises monégasques.
Les impôts ainsi payés en France sont imputables sur l'impôt monégasque sur les bénéfices.
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Par ailleurs, en application des règles énoncées au III § 110 et suivants, la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI ne peut être appliquée aux rémunérations et produits versés par un débiteur établi en France à des entreprises monégasques (personnes physiques ou morales), dès lors que celles-ci sont assujetties à l'ISB à Monaco et n'ont pas en France d'établissement stable.
La convention fiscale ne fait toutefois pas obstacle à l'application de la retenue à la source prévue à l'article 182 B du CGI aux rémunérations et produits versés par un débiteur établi en France à des entreprises monégasques (personnes physiques ou morales) qui ne sont pas passibles de l'ISB à Monaco et qui n'ont pas d'installation professionnelle permanente en France.
B. Élimination de la double imposition dans le chef des personnes physiques résidant en France
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Lorsque les bénéfices imposables à l'ISB sont également imposables à l'impôt sur le revenu en France parce qu'ils sont réalisés par une personne physique fiscalement domiciliée en France au sens de l’article 4 B du CGI ou placée dans le champ de l’article 7-1 de la convention fiscale, la double imposition qui en résulte est éliminée au moyen d'une imputation de l'impôt monégasque sur l'impôt sur le revenu dû en France à raison des mêmes bénéfices.
Dans ce cas, l’ISB payé à Monaco est imputable sur l’impôt sur le revenu français dans la limite de la cotisation d’impôt afférente à ces bénéfices. Pour la détermination de cette cotisation, il y a lieu de tenir compte du taux effectif applicable au contribuable concerné, eu égard à l’ensemble de ses revenus. Le crédit d’impôt ainsi imputable n’ouvre droit à aucune restitution.