ENR - Mutations à titre gratuit – Successions – Champ d'application des droits de mutation par décès – Exonérations en raison de la nature des biens transmis - Première transmission à titre gratuit de logements anciens acquis entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1996 et donnés en location
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L'article 23 de la loi de finances rectificative pour 1995 (modifié par l'article 15 de la loi de finances pour 1996) a institué, sous certaines conditions, une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois-quarts de leur valeur, en faveur de la première transmission d'immeubles locatifs acquis sous le régime des droits d'enregistrement entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1996.
Ces dispositions sont codifiées au 6° du 2 de l'article 793 du code général des impôts (CGI), l'article 793 ter du CGI et l'article 793 quater du CGI.
L'article 294 B de l'annexe II du CGI précise les obligations déclaratives incombant aux redevables ainsi que les pièces justificatives à fournir lors de l'enregistrement de ces transmission.
En application de l'article 6 II alinéa 2 de la loi de finances pour 1996, l'exonération de droits de mutation à titre gratuit prévue au 6° du 2 de l'article 793 du CGI n'est pas applicable en matière d'ISF (article 885 H du CGI).
Ce dispositif appelle les observations suivantes.
I. Champ d'application du régime de faveur
A. Biens concernés par le dispositif
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Les biens susceptibles de bénéficier du régime de faveur sont les immeubles ou fractions d'immeubles visés aux anciens articles 710 et 711 du CGI dont l'acquisition, réalisée par acte authentique signé entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1996, n'a pas donné lieu au paiement de la TVA et qui ont été affectés, dans certaines conditions, à la location pendant une durée minimale de neuf ans.
1. Immeubles mentionnés aux articles 710 et 711 du CGI (édition à jour du 22 avril 1998)
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Les immeubles susceptibles de bénéficier du régime de faveur sont :
- les immeubles ou fractions d'immeubles destinés à l'habitation pour lesquels l'acquéreur a pris l'engagement de ne pas les affecter à un autre usage pendant un délai minimal de trois ans à compter de la date d'acquisition (CGI, ancien art. 710) ;
- les terrains ou locaux à usage de garages, sous réserve que l'acquéreur ait pris l'engagement de ne pas les affecter à une exploitation commerciale ou professionnelle durant une durée d'au moins trois ans à compter de la date d'acquisition (CGI, ancien art. 711).
2. Date d'acquisition des biens
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Les immeubles visés par le dispositif sont ceux qui font l'objet d'une acquisition par acte authentique signé entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1996 inclus.
3. L'acquisition ne doit pas avoir donné lieu au paiement de la TVA
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Il s'agit donc d'acquisitions d'immeubles anciens, c'est-à-dire, d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans ou d'immeubles qui, dans ce délai, ont déjà fait l'objet d'une première mutation après achèvement au profit d'une personne n'ayant pas la qualité de marchand de biens.
4. Affectation de l'immeuble
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L'immeuble doit avoir été donné en location par le propriétaire, pendant une durée minimale de neuf ans à une personne qui l'affecte de manière exclusive et continue à son habitation principale.
a. Point de départ du délai d'affectation
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La location doit prendre effet dans les six mois de l'acquisition de l'immeuble. Si l'immeuble a été acquis occupé, le point de départ du délai d'affectation est constitué par la date d'acquisition de l'immeuble.
b. Durée d'affectation
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L'exonération prévue au 6° du 2 de l'article 793 du CGI est soumise à la condition que l'immeuble soit donné en location par le propriétaire pendant une durée minimale de neuf ans.
Ce délai se décompte de quantième à quantième selon les règles de calcul des délais applicables en matière de droits d'enregistrement.
L'inoccupation temporaire du logement pendant ce délai ne sera pas de nature à écarter l'application du régime de faveur lorsque cette situation correspond aux délais d'usage locaux nécessaires à la remise en location.
c. Affectation à l'habitation principale du locataire
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L'habitation principale s'entend du logement dans lequel le locataire réside habituellement et effectivement avec sa famille.
Par suite, bien qu'entrant dans le cadre des dispositions de l'ancien article 710 du CGI, les acquisitions de logements destinés à être loués à usage de résidence secondaire, d'habitation d'agrément ou de villégiature ne peuvent bénéficier du régime de faveur.
Par ailleurs, s'agissant d'une affectation exclusive à l'habitation principale, les locaux loués à usage mixte ne sont pas susceptibles de bénéficier du régime de faveur.
B. Les conditions relatives à la location
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Il résulte des dispositions du 6° du 2 de l'article 793 du CGI que la location des biens doit être effectuée dans les conditions prévues aux 3° et 4° de l'ancien article 199 decies B du même code.
Il s'agit, en fait, de locations consenties aux personnes disposant de revenus « intermédiaires ».
1. Plafonnement du loyer et des ressources du locataire
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Il résulte du 3° de l'article 199 decies B du CGI, aujourd'hui abrogé, que le loyer et les ressources du locataire ne doivent pas excéder des plafonds fixés par décret.
a. Loyer
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Pour les baux conclus entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1995, le loyer, charges non comprises, ne devait pas excéder :
- 809 F (123 €) annuels par mètre carré de surface habitable en région Ile-de-France ;
- 576 F (88 €) annuels par mètre carré de surface habitable dans les autres régions.
Ces sommes ont été respectivement portées à 813 F (124 €) et 579 F (88 €) pour les baux conclus entre le 1er janvier et le 31 décembre 1996 et à 818 F (125 €) et 582 F (89 €) pour les baux conclus entre le 1er janvier et le 31 décembre 1997.
Ces plafonds sont révisés chaque année le 1er janvier dans la même proportion que l'indice national mesurant le coût de la construction publié par l'INSEE.
Si l'immeuble était d'ores et déjà donné en location au moment de l'acquisition, il y a lieu de prendre en considération le loyer annuel en cours au jour de l'acquisition.
b. Ressources du locataire
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Les ressources du locataire s'entendent des revenus nets de frais professionnels qui figurent sur son avis d'imposition établi au titre des revenus de l'année précédant celle de la conclusion du bail ou, à défaut, de l'année antérieure.
Les plafonds annuels de ressources pour une personne seule étaient fixés, s'agissant des revenus 1994, à 153 930 F (23 466 €) en région lle-de-France et 119 050 F (18 149 €) dans les autres régions. Ces sommes ont été respectivement portées à 156 690 F (23 887 €) et 121 190 F (18 475 €) pour les revenus de 1995 et à 159 670 F (23 930 €) et 123 500 F (18 827 €) pour les revenus de 1996.
Les montants indiqués ci-dessus sont doublés pour un couple marié soumis à une imposition commune et sont révisés chaque année.
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Il est précisé que le renouvellement du bail au même locataire ou sa reconduction tacite n'est pas considéré comme la conclusion d'un nouveau bail. Toutefois, lors de la conclusion d'un bail avec un nouveau preneur, les conditions susvisées sont applicables.
Par ailleurs, si les ressources du locataire deviennent supérieures au cours de la période couverte par le bail, le bénéfice de l'exonération n'en demeure pas moins applicable.
Dans l'hypothèse où le bail a été conclu antérieurement à la date d'acquisition, il convient de prendre en compte les ressources du locataire l'année précédant celle de la date d'acquisition du bien.
2. Qualité du locataire
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Il résulte du 4° de l'ancien article 199 decies B du CGI que la location ne doit pas être conclue avec :
- un membre du foyer fiscal du contribuable ;
- un ascendant ou un descendant du contribuable.
C. Les transmissions à titre gratuit concernées par la mesure
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Le dispositif prévu au 6° du 2 de l'article 793 du CGI s'applique à la première transmission à titre gratuit effectuée depuis l'acquisition de l'immeuble.
L'exonération trouve à s'appliquer qu'il s'agisse de la première mutation entre vifs (donation, donation-partage) ou de la première transmission par décès.
Par ailleurs, l'exonération s'applique quel que soit le lien de parenté qui existe entre le donateur ou le défunt et le bénéficiaire de la transmission, et même en l'absence d'un tel lien.
Si la première transmission à titre gratuit n'a pas bénéficié de l'exonération, le bénéfice de l'exemption n'est pas reportable sur les transmissions ultérieures des mêmes biens.
D. La durée de détention des biens
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Le dispositif initial prévu par l'article 23 de la loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août 1995 imposait à l'acquéreur un délai minimal de détention de deux ans avant de pouvoir disposer des biens par voie de donation.
Cette condition a été supprimée par l'article 15 de la loi de finances pour 1996.
II. Modalités d'application de l'exonération
A. Engagement d'affectation à la location par le bénéficiaire de la transmission
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Lorsque la première transmission à titre gratuit de l'immeuble intervient avant l'expiration du délai de neuf ans prévu pour l'affectation locative des biens, le bénéfice de l'exonération est subordonné à l'engagement des donataires, héritiers ou légataires, pour eux et leurs ayants cause de maintenir en location, dans les mêmes conditions, les biens transmis jusqu'à l'expiration du délai de neuf ans.
B. Conséquences du non-respect de l'engagement d'affectation à la location
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Le non-respect de l'engagement d'affectation à la location par le ou les bénéficiaires de la transmission ou leurs ayants cause entraîne la déchéance du régime de faveur et, par suite, l'exigibilité du complément de droits de mutation à titre gratuit.
Il résulte des dispositions de l'article 793 quater du CGI que les droits rappelés sont majorés de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI.
Le complément de droits de mutation et l'intérêt de retard doivent être supportés par le donataire, l'héritier ou le légataire qui a bénéficié de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit.
En cas de décès de cette personne pendant le délai d'affectation locative des biens, les droits complémentaires devront être réclamés aux successibles du bénéficiaire de l'exonération.
III. Portée de l'exonération
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Le 6° du 2 de l'article 793 du CGI exonère de droits, à concurrence des trois-quarts de la valeur du bien, la première mutation à titre gratuit des immeubles répondant aux conditions exposées ci-avant.
Cependant, en application des dispositions de l'article 23 II de la loi de finances rectificative pour 1995, codifié à l'article 793 ter du CGI, cette exonération est plafonnée à 46 000 € par part reçue par chacun des donataires, héritiers ou légataires.
Ce plafond spécifique se cumule avec les abattements de droit commun. Toutefois, le montant de l'exonération est calculé sur la valeur de l'immeuble ou de la quote-part revenant au bénéficiaire de la mutation, avant application des abattements. Seule la fraction taxable desdits biens bénéficiera éventuellement des abattements de droit commun, si ceux-ci n'ont pas déjà été utilisés.
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Pour l'application du plafonnement de 46 000 €, il est tenu compte de l'ensemble des transmissions à titre gratuit consenties par une même personne à un même bénéficiaire, en vertu des dispositions prévues au 4° du 2 de l'article 793 du CGI et au 6° du 2 de l'article 793 du CGI.
Il s'agit donc d'un plafond commun à l'ensemble des dispositifs d'exonération de droits de mutation à titre gratuit applicables à la première transmission des acquisitions d'immeubles concernés.
Ainsi, lorsqu'une personne transmet plusieurs immeubles acquis dans les conditions ouvrant droit à l'une des exonérations précitées, l'abattement est limité globalement à 46 000 € pour chaque bénéficiaire, à raison des transmissions qui lui sont consenties par la même personne.
Dès lors, quels que soient le nombre de mutations consenties entre les mêmes personnes et la valeur des biens transmis, l'avantage est limité à 46 000 €.
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En revanche, lorsque les biens sont transmis à des personnes différentes, chaque bénéficiaire dispose d'un abattement de 46 000 €. De même, une même personne peut bénéficier de plusieurs abattements au titre de biens qui lui sont transmis par des personnes différentes.
Enfin, lorsque la transmission porte sur une quote-part indivise ou sur un démembrement de propriété d'un immeuble, l'exonération de 46 000 € s'applique sur le montant de la quote-part indivise ou sur la valeur du droit démembré revenant à chaque bénéficiaire.
A. La règle du non-rappel des donations passées depuis plus de quinze ans est applicable
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Conformément à l' article 784 du CGI, le seuil de 46 000 € est déterminé en fonction de toutes les donations antérieures de constructions ayant bénéficié d'une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue au 4° du 2 de l'article 793 du CGI et au 6° du 2 de l'article 793 du CGI à l'exception de celles passées depuis plus de quinze ans au jour de la nouvelle mutation à titre gratuit. L'abattement est applicable une seule fois par bénéficiaire au cours d'une période de quinze années.
B. Sort des dettes contractées pour l'achat de biens exonérés
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Les dispositions du premier alinéa de l'article 769 du CGI sont applicables (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-40). Les dettes à la charge du défunt, qui ont été contractées pour l'achat de biens compris dans la succession et exonérés de droits de mutation par décès ou dans l'intérêt de tels biens, sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens. Dès lors, lorsqu'un bien n'est assujetti aux droits de mutation à titre gratuit que pour une fraction de sa valeur, le passif afférent à ce bien est déductible de l'actif héréditaire dans la même proportion.
C. Forfait mobilier
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À défaut de vente publique ou d'inventaire répondant aux conditions prévues au I de l'article 764 du CGI, la valeur imposable des meubles meublants est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties qui ne peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession.
Le forfait se calcule sur l'ensemble des valeurs mobilières, autres que les meubles meublants, et immobilières composant l'actif héréditaire et avant déduction du passif.
Conformément au principe général, il n'est pas tenu compte, pour la détermination de ce forfait, des biens exonérés de droits soit totalement, soit, en cas d'exonération partielle, à concurrence de la partie exonérée (cf. BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20). Cette exclusion vaut donc pour l'exonération instituée par le présent dispositif.
IV. Obligations des parties
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Le décret n° 96-281 du 27 mars 1996 pris pour l'application du 6° du 2 de l'article 793 du CGI fixe les obligations des parties. Ce texte est codifié à l'article 294 B de l'annexe II au CGI.
A. Obligations déclaratives des parties dans l'acte
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Les actes de donation et les déclarations de succession comprenant des biens mentionnés au 6° du 2 de l'article 793 du CGI doivent comporter les mentions suivantes :
- outre les références de la publication de l'acte d'acquisition du bien, telles qu'elles sont prévues au 2 de l'article 32 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, la date d'acquisition des biens, l'identité des parties ainsi que les nom, qualités et résidence du rédacteur de l'acte ;
- l'engagement mentionné au 4ème alinéa du 6° du 2 de l'article 793 du CGI lorsque la transmission à titre gratuit est effectuée avant l'expiration de la durée minimale de mise en location du bien transmis.
B. Pièces justificatives
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Lors de leur dépôt à la formalité, l'acte de donation ou la déclaration de succession doivent être appuyés des documents suivants :
- une copie des baux d'habitation conclus depuis l'acquisition des biens avec le ou les preneurs successifs ;
- une copie de l'avis d'imposition du ou des locataires successifs établi au titre des revenus de l'année précédant celle de la conclusion du bail ou à défaut une déclaration sur l'honneur souscrite par les locataires attestant du montant de leurs revenus nets de frais professionnels figurant sur leur avis d'imposition établi au titre des revenus de l'année précitée.
V. Entrée en vigueur
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Le bénéfice du régime de faveur s'applique aux successions ouvertes à compter du 1er août 1995.
Par ailleurs, l'exigence d'un délai de détention minimal de deux ans des biens par l'acquéreur ayant été supprimée par l'article 15 de la loi de finances pour 1996, le bénéfice du régime de faveur est applicable aux donations consenties par actes passés à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 1996.